Entretien avec Nach à l'occasion de la parution de son premier album
Nach, une femme de couleur. Et puis Nach. Nach et sa musique colorée, son envie de dire au monde qu'on est beau comme on est tu vois, et qu'ici-bas tout est musique : de ton coeur mécanique aux bagnoles qui gueulent. Nach qui chante de sa voix puissante et féerique qu'elle aime Paris, oh oui qu'elle l'aime... Elle, si jolie, si folle, éclatante de joie de jour comme de nuit. Tout comme elle. C'est la fille du genre qui traque gentiment ton âme quand elle t'aime tu sais, Nach. C'est le genre à t'aimer si fort, toi l'autre, cet étranger, cet être à part entière qu'on ne connaît que trop peu. Elle, ton étrangère, te feras poser tes larmes. Et pas par dépit, tu vois, juste comme ça, par envie. Parce qu'elle est comme ça, Nach : entière, pleine de vie et de passion, d'authenticité, impulsive, coriace. Puis touchante avec ses fragilités, ses états d'âme, ses envies de beau. Tu lâcheras prise mon pote. Oui, tu partiras avec elle dans l'air qu'elle respire, aux couleurs de l'arc-en-ciel. Parce que quand elle chante Nach, ça réchauffe de bonheur et ça colore ton ciel.
La musique a-t-elle fait partie de la construction de ton identité ?
Nach : La musique prend beaucoup de mon temps, alors oui, évidemment. Mais je crois que tout ce qu'on vit : que ce soit par la musique, la famille ou les amis, par nos rencontres et nos voyages, nos déceptions et nos histoires, oui, tout ce qu'on entreprend construit petit à petit notre identité. Dans ma famille, il y a beaucoup de musiciens. Je ne pensais pas faire de la musique ma vie... Mais avec le temps, ça s'est présenté comme une évidence. Je m'y suis orientée naturellement. J'avais besoin d'être persuadée que c'était mon chemin, que je n'agissais pas par mimétisme. Alors je me suis dirigée vers d'autres voies pour, entre autres, apprendre et sentir que la musique est profondément quelque chose qui m'anime.
Dans le titre "Je suis moi", tu dis : "je suis moi, rien que moi". Pour toi, qu'est-ce qui défini sa propre identité ?
C'est l'acceptation de ce que l'on est. Quand on est jeune, on peut se retrouver dans une quête identitaire. On n'a pas conscience que l'on est unique et qu'on ne ressemble pas à tout le monde. On ne sait pas qui l'on est, qui on va, veut être et l'on croit à de fausses pistes parfois aussi. Ce titre parle de l'acceptation de soi et du trésor d'avoir sa propre identité, de l'importance d'être pleinement cet être à part entière. Il parle de l'effort de chacun de faire de ses faiblesses et de ses forces un équilibre conscient pour s'accepter vraiment.
Quand tu étais enfant et adolescente, comment te servais-tu de la musique ?
Ça a vraiment fait partie intégrante de mon éducation. J'ai appris la musique en même temps que j'ai appris à parler. Il y avait des instruments de musique de partout dans la maison. Avec Joseph (son frère), on a presque le même âge, on est quasiment jumeaux. On a appris à composer ensemble, à écrire ensemble, à jouer de la musique ensemble. Ça a été quelque chose de tellement naturel.
Le mythe raconte que c'est grâce à un fameux carnet rouge que tu as commencé à écrire. Pourrais-tu nous raconter cette anecdote ?
Je devais avoir 8 ans. Nous étions allé voir ma grand-mère (Andrée Chedid). On ne l'a voyait que très peu parce qu'elle était très occupée. Nous avions fêté mon anniversaire quelques jours auparavant. En arrivant chez elle, elle m'a tendu un petit paquet cadeau. Je pensais que c'était un livre. Mais en l'ouvrant, j'ai découvert un magnifique, un sublime carnet en tissu rouge, avec un stylo plume. C'était le plus beau des cadeaux ! J'étais tellement émue qu'elle m'offre ces objets là, à moi tout particulièrement !
Ce cadeau a-t-il été un déclencheur ?
Ça a été un cadeau symbolique comme celui que Matthieu avait fait à Joseph (son frère) quand il lui a offert au même âge sa première guitare. Et bien sûr, c'est un cadeau qui m'a ouvert une porte. C'est sur ce carnet que j'ai commencé à écrire. J'écrivais tout le temps et de partout des poèmes par dizaines dans la cour de récré. J'étais un peu à part à cause de ça d'ailleurs !
Écrire sur un carnet, est-ce une habitude que tu as gardé ?
Oui, c'est depuis quelque chose qui ne m'a plus jamais quitté : j'ai toujours un carnet et un stylo plume sur moi. Je suis même limite en panique quand je n'ai pas de stylo plume et qu'il faut que je prenne un bic pour écrire ! (Elle rit) Imagine la tête du libraire quand je vais faire mes achats... Je me fais passer pour une femme de Neandertal, je t'assures ! Ce que j'aime dans ce concept, c'est de pouvoir raturer et de revenir sur mes écrits plus tard. Reprendre mes mots, mes émotions, les comprendre autrement, les exploiter d'une manière différente... Ce que tu ne peux pas faire avec un ordinateur au final.
Tu es multi-instrumentaliste, quel est l'instrument qui te correspond le plus et avec lequel tu te sens le plus en symbiose ?
Le piano, sans hésitation. J'ai marché au milieu de guitares, de basses... Mais le piano me fascinait. J'ai pris des cours de piano à partir de l'âge de 3 ans puis j'ai adoré le chant lyrique. Le son du piano et celui de ma voix ensemble sont pour moi des repères fondamentaux: pratiquement toutes mes compositions partent de ce mélange.
Justement, comment se passe le processus de création ?
En règle générale, la musique m'emmène aux mots. Je compose un morceau au piano en plaçant d'abord les accords puis je trouve la mélodie. C'est la couleur du mélange des accords et de la mélodie coïncidant avec mon état psychologique du moment qui me donne envie d'écrire sur un sujet en particulier. Il y a toutefois des exceptions. "À toi mon étranger" qui parle d'aimer cet autre face à nous a été un poème avant d'être une chanson. Je ne pensais d'ailleurs pas le mettre en musique. Il n'y a pas forcément de recette mais c'est en général la musique qui me vient en premier.
Quelle est l'histoire de ce titre, "À toi mon étranger" ?
C'est dingue. J'ai écris ce titre il y a un an et demi peut-être et ça correspondait totalement à ce qu'on a vécu en début d'année avec ces attentats monstrueux. Je me suis dis que j'avais envie que ce poème soit dans mon premier album. Ma grand-mère a beaucoup traité le sujet de l'autre, de ne pas avoir peur de l'autre, qu'on est tous l'autre de quelqu'un. Je voulais à mon tour écrire un poème de paix et d'amour. J'avais envie de chanter tous ces mots en concert tous les soirs, c'était très important pour moi.
Pourrais-tu nous raconter l'histoire de deux autres chansons ? Tout d'abord "Âme mélodique"... J'ai eu comme un flash il y a quelques temps déjà. J'étais en terrasse et les gens qui parlaient, le brouhaha, les voitures qui passaient créaient comme une symphonie... Je me suis alors dit que l'on était tous des musiciens en puissance, que la musique était là, accessible. Qu'il fallait juste tendre l'oreille pour l'entendre, l'écouter. Le thème était né : l'âme mélodique, celle que l'on peut suivre, celle qui a raison... Notre instinct en quelque sorte. C'est vraiment un morceau qui me ressemble parce que je suis quelqu'un d'assez instinctif. J'adore que mon corps et ma voix puissent s'exprimer.
Et "Chante encore" maintenant...
C'est le dernier titre de mon album. Il fait partie des deux seuls morceaux que j'ai composé à la guitare avec "T'es haut". Ils ont une autre couleur harmonique. Ce titre est un peu comme un chant onirique. Dans ce titre, je dis que chanter me sauvera. Que la puissance du chant est éphémère et éternelle, un peu magique, comme si elle faisait disparaître la mort... (elle rit) je sais que c'est un peu fou mais c'est le rêve de cette chanson.
De quelle manière passe-t-on de la musique aux images ?
J'ai fais pas mal de théâtre et je me suis orienté vers quelque chose de visuel étant plus jeune. Quand je pense à une chanson, je peux en imaginer les arrangements puis directement sa mise en scène. L'ambiance de la chanson me permet de visualiser le rendu de chaque titre instinctivement. Pour "Coeur de pierre" par exemple, j'imaginais quelque chose de très organique. Quand je crée un morceau, je le vois. J'essaye aussi de m'entourer de personnes dont je sais que le travail sera en phase avec ce que j'attend.
Le visuel de l'album a été fait par l'artiste Jeanne Frankel (une amie d'enfance) et toi. En quoi était-ce important de rajouter cette dimension visuelle ?
Cet album est assez contrasté. Il a un côté très mélancolique et en même temps très joyeux. Deux extrêmes qui me ressemblent. Le visuel a une apparence obscure à cause du noir en fond puis également un aspect très lumineux grâce aux couleurs du "Nach". Chaque chanson de l'album a une couleur particulière. Je trouvais intéressant de toutes les représenter, justement, par une couleur différente visuellement, à travers mon nom. Pour concevoir la pochette de l'album, nous avons mis en place une installation de 7 mètres sur 3. Cela s'appelle une anamorphose. Si l'on se met à la place du photographe, on voit écrit "Nach". Mais si on se déplace de quelques centimètres, on se rend compte que le nom est décomposé de plusieurs morceaux immenses, indépendants les uns des autres. Ce qui est fou est que la pochette n'est pas issu d'un montage photo. C'est une photo. Tout est vrai.
Oui, tout est authentique dans cet album à son image. Nach, le joli mélange de son prénom : Anna et de son nom : Chedid. Un nom qu'elle porte haut, beau, avec fierté et beauté. Parce qu'elle l'est au-delà de la musique. Parce qu'elle est musique au-delà de son nom. Parce que dans la vie, on est ce que l'on né mais pas seulement. Un premier album qui parle d'identité, de ce qui nous appartient, de ce que l'on perd parfois, de nos sentiments, de nos souvenirs, de ceux que l'on se créent, de vers là où l'on se dirige. Un premier album conçu de la tête aux pieds par une artiste complète, entière, vouée coeur et âme mélodiques à son art. Un album qu'il faut écouter parce qu'il est beau, tout simplement.
Propos recueillis par Emilie Costanziello
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