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Entretien avec Tom Novembre

Entretien avec Tom Novembre en concert

Avignon 27 juillet 2014

Interview réalisée le 26 septembre 2014 par Jacques 2 Chabannes

Un GRAND petit Tom...
(Bavards...)

Le Récital !
Ayant eu la chance de pouvoir suivre Tom Novembre, depuis ses débuts, j'ai fortement goûté au truculent Le Cocktail de Sergio (86), ri à m'en faire péter une côte devant la galerie de personnages au gant de crin, brossés, de Un Soir Au Bout Du Monde (92) - empreint d'émotions riches et variées, poétique en diable - revu ou reconnu des "frères de race" durant La Salle d'Attente (96), partagé les angoisses d'un chanteur en proie avec ses doutes et manques, les vicissitudes de la vie quotidienne et ses propres carences technologiques en 2002 : Faut Faire Avec (Minimum Solo), mais carrément manqué En Chanteur, avec l'accord de mon médecin traitant (certificat médical toujours disponible, si demande motivée). Toujours avec le même plaisir, en fait. Toujours. Comblé par son tout nouveau spectacle, intitulé Le Récital - donné au Théâtre du Petit Chien, en Avignon, durant le "Off" 2014 - j'ai décroché une courte Interview à réaliser à quelques enjambées de la scène, au Théâtre du Chien Qui Fume : une p'tite vingtaine de minutes, à peine, après sa sortie de scène, et avant qu'il ne coure vite rejoindre son complice Ged Marlon°, son train, ses pénates, puis la route des... vacances !

° Ged Marlon : acteur et metteur en scène Français reconnu, vieux complice et ami de Tom, qui a assuré le "tri" initial puis la mise en scène (et mise en place) de ce festif et accompli : Le Récital !

Pour les lecteurs non au fait du contenu de ce spectacle, ultime séance de rattrapage à ne surtout pas manquer, ici : https://www.concertandco.com/critique/concert-tom-novembre//48851.htm


Avignon loin du pont/entre midi et deux/abords du Théâtre du Chien Qui Fume.
Plombés par une chaleur écrasante, mais néanmoins électrisés par sa toute récente (et encore fumante) prestation, nous investissons les lieux de concert, avisons d'un rapide coup d'œil un banc dans l'coin tout lustré et déserté de fessiers, l'investissons d'un coup de reins décidé puis attaquons le bla-bla, bille en tête, à bâtons rompus...

Au tout début du spectacle, j'ai eu l'impression, non pas d'une sorte de "déjà vu", non, pas du tout, non, mais plutôt de retrouver le personnage angoissé du chanteur solitaire du jubilatoire Faut Faire Avec (Minimum Solo) quelques années plus tard ; c'était un peu, à mon niveau, comme si je remettais les pieds dans les chaussons moites de son intimité angoissée...

TN (il acquiesce d'un court hochement de tête) :
Y'a un peu d'ça, oui... l'histoire a voulu que je prolonge cette idée, que j'avais mise en place sur Faut Faire Avec, oui, effectivement : l'histoire d'un mec qui bosse tout seul dans son coin... il préparait un showcase dans son garage, la première fois. Il était d'ailleurs un peu "encombré" par les situations extra-professionnelles : la famille, les enfants, les nombreux problèmes du quotidien, etc. Il stressait un peu avant son showcase...

... Il avait quelques problèmes d'"estomac", déjà, comme dans Le Récital...

TN (Étonné, il cherche un court instant à s'en souvenir, puis enchaîne) :
Ha oui, déjà ? T'es sûr ? T'as une meilleure mémoire que moi, de c'que j'ai fait. D'ailleurs, je n'ai pas été rechercher dans mes archives, ou quoi que ce soit, puisqu'à chaque fois que je m'embarque dans un spectacle, j'ai toujours envie de faire du "tout neuf" ! À part l'Ananas, que j'ai déjà chantée dans l'précédent...

... Et qui était aussi dans : Faut Faire Avec !

TN :
Oui, qui était déjà dans Faut Faire Avec, puis après, dans En Chanteur ! Toutes les autres chansons ont été écrites depuis et tous les sketches comprennent des personnages nouveaux ou que j'ai bossé, bossé et re-bossé... Bon, pendant quelques années, je suis parti faire autre chose, mais, c'est vrai que l'histoire a voulu que je revienne à CETTE idée-là, oui... du mec qui bosse tout seul ; sauf que, cette fois je ne voulais pas retomber dans une situation trop "privée", enfin, où l'on confronte le privé ET le public... je l'ai donc "mis" en ultime répétition de son futur spectacle : le moment où ça "monte"... ce qui me permettait d'incorporer une autre galerie de personnages, qui est l'entourage : le vigile qui protège la porte de la salle, l'agent qui vient mettre la "pression", autant que le rassurer... (rire franc à propos d'une situation qu'il semble avoir bien connue ou déjà vécue)... LE Fan qui se glisse par la fenêtre...


... C'est ma foi vrai, que l'agent fait tout sauf "alléger" celle de son poulain...

TN :
C'est vrai, mais c'est pas pour autant mal intentionné. Les gens ne se rendent pas toujours compte de ce qu'ils vous disent : ils croient vous donner un bon conseil, mais en même temps, ils vous mettent la pression. Le gars qui vous dit : "putain, il va y avoir beaucoup, beaucoup de monde, c'est super !". Intérieurement, tu t'dis : "ho la vache, alors, si j'me plante, je vais me planter devant, beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde !" (rires partagés). Tu ne réagis pas forcément de la même façon, mais, lui, c'est pas malveillant, et... Je n'ai jamais été assassin, avec mes personnages ! À la fois, je les aime bien, mais... j'ai aussi envie de m'en moquer ! Pour qu'on comprenne leurs travers et qu'on voie à quel point ils peuvent être agaçants... le journaliste est un personnage assez nonchalant et un peu... "out of ses pompes !", enfin...

... Qui ne semble pas très concerné, surtout...

TN :
... Qui ne marque pas un intérêt profond pour ce qu'il fait, ou, en tout cas, disons que c'est assez "routinier" dans sa tête ; il est surtout préoccupé par son départ en vacances... et par lui-même, parque c'est un mec qui ramène tout à lui... mais, bon, j'en ai croisé hein... tout ça s'inspire de choses et de gens que j'ai vu furtivement, etc. Après, on condense, les Fans ne sont pas tous comme "ça"... (NDLR : celui du spectacle est redoutable)... mais, des collectionneurs d'autographes, ça existe, on en croise !

... C'est d'ailleurs plus un "collectionneur", qu'un Fan "de", celui-ci...

TN :
Oui, oui, mais... c'est un "chasseur" ! Il le dit lui-même, c'est un "chasseur d'autographes". Et, quand il vient dire : "J'suis un de vos plus grands Fan, j'vous adore depuis toujours, j'aime tout : vot' talent, votre guitare, votre coiffure, vos pompes"... juste derrière, c'est : "voilà, bon alors, en échange, vous pouvez me faire un autographe ? Ça y est, c'est bon, j'ai fait mon p'tit couplet ?".

On sent bien que c'est LA phrase générique qu'il ressort à tout le monde : à chaque artiste rencontré...

TN :
Ouais, ouais ; "j'vous adore, mais"... j'ai reçu des lettres, souvent, par courrier, qui disaient : "vous êtes un très grand artiste, je vous adore, j'aime tout ce que vous faîtes : vos films, vos chansons... est-ce que je peux avoir un autographe ?". Alors tu te dis : "tiens, mais c'est exactement la même formule, que d'autres lettres, etc.", ce sont des p'tites choses vécues, à droite, à gauche...

... L'agent de la sécurité est très, très "con-forme", par contre, hormis les baffes... c'est un monolithe qu'on duplique à foison dans les grandes salles...

TN :
Alors, "lui", c'était parti sur tout autre chose, au départ... Lui, pour moi, ce personnage, c'est un cube, qu'on fabrique, voilà ! Que nos gouvernants fabriquent à la pelle et qu'on pose, qu'on empile à droite à gauche, avec les "interdits", les "restrictions" et les "sanctions", et toutes ces "choses", et... un cube + un cube + un cube + un cube... ça fait un mur, à la sortie ! Et moi, les murs, j'suis comme Pink Floyd, j'aime pas trop ça ! Lui, c'est juste Another Brick in The Wall ! (rire franc et massif).


Par rapport au "précédent", que je trouvais très introspectif, le Faut Faire Avec (Minimum Solo), de 2002 ... je veux dire, dans la même lignée, puisqu'il y a une "filiation" évidente... à part que l'artiste de l'époque était vraiment tourné vers LUI et SES angoisses...

TN :
... Sûrement, tu sais, "ça" remonte loin, pour moi...

... Celui-ci, ce chanteur, par contre, me semble plus "ouvert" sur le monde, en particulier, celui qui tourne autour de lui...

TN :
Oui... C'est à Ged... Marlon, qui a fait la mise en scène de mon spectacle, que l'on doit ça. Moi, je replongeais dans l'artiste angoissé qui a peur de "rater"...

... Au début de l'écriture, donc...

TN :
... Oui, oui... qui fait son retour... qui est conscient des enjeux, qui n'est pas sûr de lui, etc. Ça subsiste légèrement, mais Ged m'a aidé à gommer "ça" et à assumer davantage...

... C'est moins prégnant, justement...

TN :
... Ben oui, parce qu'il m'a dit : "assume qui tu es !". Et puis, en même temps ça a été moins difficile qu'avant, parce que je ne suis plus un gamin et, à un moment donné, faut accepter d'être ce qu'on est... et, tout ça est parti de ce constat là. Il y a un an, j'ai fait un showcase où je présentais quelque chose de plus ambitieux et... j'm'suis rendu compte que, ben, c'était pas "ça" qui amusait les gens, enfin... c'est pas ça qu'on attendait de moi... finalement, c'est sûr que ça me mettait moins de pression, aussi. Plus tard, peut-être, je le ferais, si on m'en donne les moyens, parce que ça demandait plus de moyens aussi... vu que je voulais mélanger avec de la vidéo... mélanger des tas de trucs... dans le spectacle ! C'était tout autre chose. Et puis, le résultat du showcase, les retours, et l'analyse qu'en avait fait Ged, qui était venu de voir... m'ont beaucoup intéressé, parce qu'ils allaient dans le sens de quelque chose de beaucoup plus réalisable... plus facile à monter. Et puis qui me correspondait probablement mieux que ce que j'avais eu envie de faire, au début : quelque chose dans lequel j'ai pu me détendre, et y chercher plus le plaisir. Ça a été un peu LE mot d'ordre : "si ça nous fait rire... y'a des chances que ça en fasse rire d'autres ! En tout cas ceux qu'ont a envie de faire rire, ceux qui rient comme nous !". On est ravi parce qu'il sont nombreux et assez éclectiques, dans l'genre : on a du "jeune", du "moins" jeune, de l'adulte... peu importe, tout le monde peut rigoler à un moment ou un autre ou s'émouvoir d'une chanson ou d'un moment, mais, comme je te le disais... le mot d'ordre, c'était : "si ça nous fait rigoler, on essaie !". Maintenant, si on essaie deux fois et qu'à la deuxième, ça nous fait moins rire, et à la troisième, plus du tout, ben... on s'dit : "bon, ben, ok, c'était juste une euphorie momentanée, rien de plus !"... mais y'a des choses qui demeurent... encore une fois, Ged est un homme de chanson, de one man show et de musique aussi, il connaît donc tout ce mélange...


... Il en a une perception plus fine...

TN :
... Il en a une perception plus fine, aussi ; il connait la situation du gars dans laquelle je me trouve et il sait le résultat qui doit... encore une fois, il m'avait fait une très bonne analyse du premier showcase, donc après, ben... on a retravaillé beaucoup ! Des gens qui sont venus le voir à Avignon, il y a un an, et qui l'ont revu cette fois-ci, ben... autant, il y a un an, ils regardaient leurs pieds en sortant, en m'disant (voix, peu enthousiaste) "ouais, ouais, c'est super !", autant cette fois, j'ai vu chez-eux un réel enthousiasme à me dire qu'ils avaient "adoré !"... ou à me dire, "quel travail ! Ho oui, alors... ça n'a plus rien à voir !", etc. Voilà. Tout ça ce sont des tas de plaisirs qui s'accumulent avec le plaisir d'avoir fini Avignon, de façon bien "remplie", mission accomplie, quoi... à la fois sur le plan perso donc, le plaisir sur scène...

... C'est quelque chose qui est très palpable sur scène, c'est donc communicatif...

TN (le large sourire qu'il arbore désormais cache quasiment l'intégralité de son visage) :
Faire plaisir... Partager du plaisir. C'était ça, le mot d'ordre. Ged m'a dit : "les moments qu'on préférait dans ton showcase, il ya un an, c'était les moments où tu t'amusais à nous amuser. Donc, amuse-toi, et on s'amusera, t'inquiètes pas. Tu n'as pas à nous convaincre, tu n'as plus à nous convaincre ! Tu n'as plus besoin de préciser, de nous dire : "attention, c'est drôle !"... "attention, c'est pas trop drôle !"... "attention, c'est AUSSI poétique !"... "attention, ce n'est pas méchant !". T'as pas besoin de nous prévenir. Fais ce que tu as à faire ! ". On a donc commencé à s'amuser, Ged et moi, et... j'suis ravi, parce que, ce qui nous a amusé, amuse aussi beaucoup les gens...

... C'était plus qu'évident, durant le spectacle...

TN :
Du coup, c'est très rassurant et gratifiant. Nous ne sommes plus dans la même "tension", ou un stress trop profond... voilà. Y'a toujours la conscience professionnelle qui dit : " faut que ce soit mieux qu'hier et moins bien que demain ! ", oui, mais...

... Est-ce que cela vous permet aussi de faire évoluer le spectacle, d'être plus à l'écoute, le fait d'être moins tendu ?

TN :
Des p'tites choses... des p'tites phrases. J'ai voulu le filmer aujourd'hui, pour avoir un "instantané" de fin d'Avignon...

... Pour retravailler dessus, le cas échéant...

TN :
Oui. Le regarder et m'dire : "ça finalement, y'a peut-être mieux à trouver !"... c'est toujours possiblement capable d'évoluer, oui. J'ai aussi essayé des p'tites choses, et comme on va rentrer à Paris tout à l'heure, je pense qu'on va passer le voyage avec Ged, à décortiquer le spectacle (il rit franchement en évoquant cette vraisemblable possibilité)... à se dire : "bon, ben, "ça", ça va, "ça" c'est bien ! Là, par contre, y'a peut-être mieux à trouver, etc." ... le "work in progress", toujours ; y'a pas d'raison de s'arrêter, mais bon, on va passer aussi à la suite et à "autre chose"...


Y'a une belle tournée qui s'annonce, suite à cette "résidence" pendant le festival ?

TN (plein d'espoir, mais sur ses gardes) :
Ben... si tous les pros qui sont venus pendant le festival, donnent suite, il peut y avoir une grosse et longue tournée qui s'annonce, mais, bon, moi, j'suis parti pour jouer partout où l'on me demande, le spectacle est plutôt "tous terrains" ! Là, à Avignon, il est dans sa version "courte"... y'a des p'tits éléments qu'on a fait sauter : un prologue, un épilogue, et puis des petits éléments qui appartiennent au "rappel"...

... À peu de choses près, il était donc "complet", aujourd'hui...

TN :
Oui, enfin, il manque tout de même le personnage du "spectateur"... parce que le "spectateur" est un des éléments et qu'il sert de prologue et d'épilogue au spectacle... mais bon, l'essentiel, enfin, le corps du spectacle, est-là !

C'est une constante agréable, en cette époque de "melon généralisé", de voir que, en dépit du fait que tu égratignes les "personnages", ça reste toujours empreint d'une certaine poésie et en permanence bourré d'autodérision, aussi... surtout. C'est salvateur, non ?

TN (il se redresse, décidé) :
Oui, oui, il le fallait. Il ne fallait surtout pas se prendre au sérieux, justement. Quand on se prend au sérieux, en plus, on s'angoisse beaucoup. Parce que, tout à coup, on se met des pressions, des enjeux, des (il fait un signe évasif de la main, tourné vers le plafond)... Parce qu'on se prend "pour". Je dirais qu'il y a actuellement beaucoup de gens qui se prennent "pour"... je crois que l'orgueil est une malédiction, de et pour l'homme...

Le "melon", donc. Pour pas grand-chose, le plus souvent...

TN (il lève les yeux au ciel, arbore une moue chagrinée, de type : ha, ça, ouais, pour vraiment,
rien, puis enchaîne sur ce même thème) :

Oui, oui, je dirais que l'orgueil est une chose très, très, très, répandue... qui s'est beaucoup "féminisé", ces dernières années, mais, bon, c'est normal, il fallait répartir un peu la tâche, et, la tache ! (rires partagés)... Avant, c'était les mecs qui prétendaient à tout, maintenant, c'est beaucoup mieux réparti, mais il y en a beaucoup chez nos compagnes, et... compagnons ! Et contemporains ! L'ego est quelque chose qu'on protège, qu'on défend, qui sert d'alibi à tout : "la vie est courte ! Il faut que j'en profite !"... Depuis que l'homme est "dieu", c'est la loi de la jungle, encore plus, malheureusement ! Alors, bon, je ne suis pas croyant, je le dis tout de suite... mais, je dirais que, depuis qu'il n'y a plus de "vision", ou de "rêve", bref... déjà, les politiques ne nous aident pas à en avoir, depuis que c'est la finance et le pognon, et le "concret", qui dirigent...


... On est au ras des pâquerettes, actuellement, à ce niveau très précis...

TN (moue fataliste) :
Oui. Depuis qu'on ne fait plus de la culture, mais du "divertissement"... qui sont deux concepts complètement différents, je dirais que l'orgueil à tout loisir de s'installer partout et prendre toute la place...

... Il en faut aussi pour créer ou monter sur une scène...

TN :
Oui, moi j'en ai de l'orgueil, il en faut, faut être un peu "prétentieux", mais... faut vite se rendre compte qu'on l'est, et vite se dire : "pour qui tu te prends, là ?". D'où la volonté d'autodérision permanente...

... Une autodérision qui a toujours été présente chez-toi, qui a toujours "transpiré" de tes spectacles, personnages ou chansons...

TN :
Oui. Moi, j'ai toujours voulu faire des chansons tristes, en disant : "attention, c'est pas aussi triste que la vraie vie ou la réalité !", et inversement... j'ai toujours aimé faire rigoler les gens, tout en leur disant : "attention, derrière toute forme de rire, y'a une cruauté, y'a une p'tite vérité, peut-être, à deviner ! Mais, prenez du plaisir !". La notion de "plaisir" est primordiale. Voire, essentielle. À chaque fois que j'ai ramené ma gueule, à vouloir faire la leçon ou la morale, on m'a dit : "mais, c'est pas ton job, laisse ça aux spécialistes !". Bon, ben, ok, libre à eux de dire des conneries à ma place... (le tout suivi d'un grand éclat de rire).

Pour en revenir plus spécifiquement à l'autre partie principale du spectacle, vos chansons : elles me semblent s'adapter magnifiquement au déroulé, être nées du même lit artistique, et en même temps montrer une autre facette de votre personnalité, comparées aux multiples galeries de personnages créés durant vos spectacles... sans pour autant qu'il y ait une véritable dichotomie entre les deux...

TN (dubitatif) :
... Mes chansons sont des petites histoires, alors, elles peuvent partir de... j'en ai discuté avec un éditeur/distributeur, il n'y a pas longtemps... il me disait : "c'est un peu éclectique !"... oui, mais, mes disques ont toujours été assez "multicolores", au niveau du style et des propos. Bon... aujourd'hui, c'est devenu difficile à vendre, ce genre d'album. Donc, bon, je vais voir, j'vais faire une sélection... j'y réfléchis... voilà. Mais, mes chansons ont, chacune d'entre elles, ont une petite histoire, un petit univers : avec une petite morale, mélancolique ou souriante...


... La plupart du temps "optimiste", également...

TN :
Oui, ça ne peut pas être pessimiste non plus. Ça se veut être "simple", mais... (visiblement, quelque chose le gène)... Ça n'est pas "mièvre" non plus, comme je me suis vu qualifié dernièrement... du coup je l'ai intégré dans le spectacle...

Mièvre ? On peut y adhérer, ou pas, c'est certain, mais... C'est la dernière chose qui viendrait à l'idée pour les caractériser...

TN (il sourit, se recule un peu) :
Pour toi, non, mais t'as des "collègues" qui pensent autre chose, enfin, UNE, surtout... peu importe ! Je choisi mes mots afin qu'ils soient "simples", "intelligibles" par tous et à même de raconter vite la p'tite histoire, la morale qu'elle contient ; sauf que ça part un peu dans plusieurs directions ou couleurs... Dans l'idée d'un projet de disque, par contre, il faut faire un tri différemment. Tout ça se mélange un peu dans ma tête, en fin de festival où on est un peu dans les "bilans" et les projections diverses : "Paris, oui, ok, mais, à quelle période ?"... "Y'a des touches, oui, mais, qu'est-ce qu'on en fait ?"... bref, le mois d'août va faire du bien pour aérer tout ça... l'Artiste a besoin de ces moments-là pour redescendre sur terre...

Puisque l'on parle "chansons", en cette période difficile, selon les dires des maisons de disques, et de crise du support CD, surtout, il est devenu pratiquement impossible de trouver vos albums, excepté pour celles et ceux qui possèdent vos vinyles...

TN (il fait la moue, prend le temps de se positionner) :
Oui, mais, bon, tu sais, je ne suis plus dans le marché. Je peux y revenir, mais je ne fais pas partie "de". Encore une fois, je suis un "bon souvenir". Enfin, j'essaie de sortir de cette situation de "bon souvenir", que j'ai laissé... (il sourit)... qui fait qu'il y a des tas de gens que je croise et qui me disent : "ha, je vous suis depuis longtemps et j'adhère totalement !", ça me surprend, parce que je ne pensais pas avoir eu un tel "impact", enfin, "impact", entendons-nous, hein ? Je ne pensais pas du tout qu'autant de gens avaient été "perméables" à ce que je proposais quand j'étais... "minot", débutant, quoi. Moi, j'arrivais avec mon orgueil de jeune, en disant : "aimez-moi... permettez-moi d'exister... donnez-moi une raison d'être !", enfin, toutes ces demandes de jeune artiste ambitieux, quoi...


... Qui sont nécessaires et légitimes pour pouvoir créer, se proposer et avancer...

TN :
Oui, oui : pour mettre un seuil d'exigence, déjà, et puis, je voulais proposer quelque chose dont je n'ai pas à rougir, ne pas tomber dans une facilité... ou complaisance. Bref, je ne me rendais pas compte qu'il y avait autant de gens qui avaient été "perméables" à mes histoires, mes univers et mes chansons ! J'en suis agréablement surpris. Tous les jours.

Au niveau des nouvelles, celles qui sont dans le spectacle : il y en a d'autres ? Elles sont susceptibles de changer selon les soirs ?

TN :
Oui, il y en a d'autres, donc... je peux parfois en virer une pour en mettre une autre à la place, au niveau du spectacle... Je pourrais aussi faire un disque sans "liaison directe" avec le spectacle... Ce sera un projet "à part", le disque.

Les "deux" sont donc complémentaires et interdépendants à la fois...

TN :
Ils sont compatibles sur scène, avec ma façon de m'approprier les deux et la liberté que j'ai de le faire... vu que je suis censé être un "inclassable"... ce qui veut dire que ça se "paie", d'une certaine façon, mais que ça vous octroie aussi des libertés et une respectabilité. Je n'ai pas besoin de dire : "je vais faire un disque !", pour qu'on me dise : "ha, c'est une reconversion ?". Ça va maintenant, c'est admis, "intégré".

Ça n'a pas toujours été le cas ?

TN :
Non. C'est marrant, parce que, lorsque j'ai sorti Bande de Pions, en 2002, je me suis rendu compte que je n'avais jamais réussi à "fédérer" mes "publics". Le même jour, j'suis tombé sur des gens, qui m'ont dit : "ha, ben, ça fait plaisir de vous retrouver !". Je leur ai dit : "j'étais au théâtre, au cinéma"... "Oui, mais c'est pas pareil !". Ha bon ? Ensuite, le soir, en sortant d'un concert donné à France Inter, je tombe sur des gens qui me disent : "ha, mais, je ne savais pas que vous chantiez ! Je vous connaissais par le théâtre, les spectacles...". "Ha bon ? J'ai sorti cinq albums... Bande de Pions est le dernier"... "oui, oui, d'accord, mais je vous découvre !", etc. Tu te dis que les uns t'ont mis dans la catégorie "acteur", les autres, dans la catégorie "chanteur"... "acteur" étant subalterne, pour ces derniers. Chacun prends ce qui l'intéresse, et, il n'y a que sur scène, en fait, que je peux fédérer tout "ça" ; sachant que, celui qui vient écouter mes chansons s'apercevra que le "guignol" qui va avec n'est pas forcément antipathique ; quant à celui qui vient voir l'acteur, le "performer", il peut se dire qu'il y a un petit poète, chansonnier, qui va avec... C'est LE contexte dans lequel je peux espérer fédérer tout le monde...


... Ça fait partie de ce "plaisir" qu'on sent en toi sur scène, qui est palpable, cette possibilité de pouvoir faire étalage de deux de tes qualités principales ?

TN :
J'ai plus de temps derrière-moi, que devant. Alors, si je commence pas à chercher mon plaisir, à mon âge...

... Faut déjà l'avoir "trouvé", c'est déjà une bonne chose ! Qui est loin d'être évidente pour tout le monde...

TN :
J'ai déjà la chance de faire un métier que j'aime, que j'ai découvert en cours de route, parce que... comme je le disais alors : "je me suis endormi avec une vocation, je me suis réveillé avec un métier, et je suis ravi de vivre éveillé !". Plutôt que "somnolent". Même si, quand y'a des coups de "blues", comme le raconte la chanson Il Fait Si Beau, on a vite envie de se réfugier dans l'onirisme, qui est plus...

... Protecteur ?

TN :
Oui. Moins "concret".

Elle est marrante, par ailleurs, la "bascule", le petit "glissando" qui fait passer la chanson a tout autre chose, durant le spectacle...

TN :
Oui, le "Il fait si froid / Tu n'es plus là !". C'est la vie.
J'essaie de profiter au maximum de tout ce qu'elle m'offre. Encore une fois, j'ai la chance d'aimer mon métier. On me donne le droit de pouvoir le faire, à ma façon... je peux choisir de le faire différemment, de temps en temps, en allant travailler avec d'autres réalisateurs ou metteurs en scène, pour me mettre au service d'autres écritures que la mienne ; ça me laisse également un peu de temps pour vivre et profiter de ma famille, et écrire de nouveau... chacun son tour !

Est-ce que le fait de pouvoir passer sans arrêt d'un domaine à l'autre, et d'un réalisateur ou metteur en scène, à un autre, ça ouvre d'autres horizons qui profitent à ton écriture, la nourrissent...

TN :
Bien sûr ! J'apprends tout le temps. Je me rassure. J'apprends sur la faisabilité ou les difficultés de faire : ce qui me rassure sur les miennes... en les comparant, soit, à leur virtuosité, soit, à leurs diverses difficultés pour atteindre leur objectif ! Mais, bon, j'ai souvent bossé avec des gens de qualité...


... De grands réalisateurs...

TN (il sourit, semble y repenser, l'espace d'un instant) :
De grands réalisateurs, oui. Je pense à André Engel... Jean-Philippe Toussaint, John Lvoff... Michel Deville... Tiens, là, je vais faire un p'tit "coucou" dans le film de Rémy Bezançon, qui est aussi un grand réalisateur... vous allez voir ! Il en est à ses premiers films, mais ils sont tous intéressants : Ma Vie En l'Air... Le Premier Jour du Reste de Ta Vie, etc. C'est un très bon réalisateur. Mais, bon, là, je suis dans MA tournée. MON histoire "personnelle", qui semble reprendre son cours...

Il se lève alors, signe mes vinyles avec affection, prend la pose pour la photo et blablate encore à propos du monde, de son actu, du beau disque à venir de son frère CharlElie enregistré avec Benjamin Biolay : "Il est superbe ce disque (ImMortel) les chansons sont presque toutes super bonnes, il est hyper bien produit... s'écoute sans effort aucun, ce qui n'a pas toujours été le cas, avec CharlElie, et puis... je t'avoue que je suis un peu jaloux, parce que, pour tout te dire, j'avais moi aussi pensé à aller voir Benjamin, qui est un super musicien, pour lui proposer mes chansons et faire un disque avec, alors, bon...".
Puis il glisse encore quelques mots aux gens du lieu, salue et s'éloigne benoitement vers la suite nommée "repas", le tout nanti d'un large sourire et d'une franche bonhommie : celui d'un homme conscient du devoir accompli et prêt à aborder d'envie la suite du reste de sa vie en pleine possession de ses nombreuses facultés, sans oublier jamais, que, Par Les Temps Qui Courent : "Si t'avances pas, tu meurs, on a vite passé l'âge... / Le Monde est en sursis, personne n'est à l'abri / Mets-toi à jour, laisse pas passer ton tour ! ".

(INTW d'après spectacle, réalisée le dimanche 27 juillet 2014 en Avignon).

Liens à suivre/infos tournée Le Récital :

https://twitter.com/TomNovembre


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