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Vibrion (Interview)

Marseille 12 mai 2005

Interview réalisée le 11 mai 2005 par Mystic Punk Pinguin

Vibrion, du Slam aux instrumentaux obsessionnels. Hypnotiques sur scène comme sur disque. Depuis le temps qu'on vous en parle dans Live In Marseille, voici enfin l'interview de ce groupe fascinant avec Frederic (F), Christophe (Ch), Eric (E) et Stéphane (S).



D'où vient votre nom ?

Frédéric : C'est un mot qui, au sens figuré, désigne des personnes qui s'agitent constamment. Le mot nous plaisait, on trouvait que sa sonorité mêlait plusieurs idées.

Vibrion, c'est qui ?

F : C'est Christophe Isselée, Stéphane Paulin, Éric Cartier, Marianne Salomon et Frédéric Nevchehirlian. Thomas Tournier s'occupe du son pendant les concerts.

Quel est votre parcours artistique ?

F : : On fait de la musique depuis longtemps, mais t'es sûr que tu veux qu'on réponde ? Bon installe-toi, il y en a pour 400 pages ... On va garder ces anecdotes pour nos vieux jours, non ?

Vivez-vous de votre musique ?

F : Pour l'instant, c'est parcellaire mais ça prend forme.



Comment décririez-vous votre style ?

F : Euh !!! c'est la question piège ! on dit de nous que nous sommes inclassable ou à part... disons que nous faisons de la musique plutôt hypnotique et ambiante avec de la poésie déclamée. Sans que l'un soit l'instrument de l'autre mais plutôt que les deux fonctionnent ensemble.

D'abord la musique ou d'abord les paroles ?

F : C'est toujours différent, il n'y a pas de recette.

Qui fait quoi ?

F : J'écris des textes et compose des musiques. Eric Cartier (voix & guimbarde) écrit des textes. Christophe Isselée (guitare & programmations) compose des musiques et commence d'écrire et de déclamer des textes. Stéphane Paulin compose (basse & programmation), et enregistre. Marianne Salomon (violoncelle) participe aux arrangements.



Avez-vous une démarche et/ou un manifeste artistique ?

F : Non, mais je crois que notre musique et notre projet par sa singularité est en quelque sorte un manifeste, non ?
Christophe : Sortir de soi chercher loin des émotions fortes s'exposer allez là où l'on a envie d'être...

Vos textes sont parfois assez abstraits ... de quoi parlez-vous en général ?

F : De ce que tu veux bien y voir ! à vrai dire je ne les comprends pas bien non plus, quand je me relis je me dis que cela doit bien vouloir dire quelque chose d'important ... alors je laisse comme ça !!! (rires). Plus sérieusement, ou moins sérieusement d'ailleurs, à travers nos poèmes et les métaphores que nous y déployons, nous tentons de cerner ou de reformuler les mêmes questions : les notions de territoire, d'identité, de paroles, de dépendances, d'amour, etc. qui nous semble être des notions violentées chaque jour par le monde de fous qui nous environne ... Mais je dois sûrement beaucoup me tromper ! Vous me direz ce que vous y voyez ... c'est toujours délicat de dire, d'autant plus que nous apprécions les différentes interprétations de nos textes. Chacun possède son rapport subjectif à la langue et aux images.



Comment abordez-vous la scène ?

F : Un plaisir énorme. On aime beaucoup cela. C'est pour nous l'occasion de recréer l'instant de la composition, beaucoup de nos chansons procèdent de cette façon, et la scène permet ce redéploiement, comme une sorte de recommencement, en tout cas c'est ainsi qu'on l'aborde.

Le Slam kézako ?

F : Le slam, c'est un concours organisé aux USA autour de la poésie orale. Sans instrumental derrière. Ce n'est pas un genre de poésie en particulier. Tous les genres de poésies se retrouvent au cours d'une soirée slam.

Et le slam à Marseille ? Tu peux faire un petit historique ?

F : J'ai été le premier à implanter ce type de soirée à Marseille il y a 6 ans maintenant. Tout d'abord à l'Intermédiaire, puis au Balthazar, et enfin au Poulpason où j'organise une fois par mois des soirées. Avec Stephane, on a enregistré 2 compilations de poètes "Les dits sont de là" (vol. 1 en octobre 2002 et vol. 2 en octobre 2004). Depuis, je me déplace pas mal en France pour participer à des scènes nationales ou des festivals. D'autres scènes ont vu le jour à Marseille, sous l'impulsion d'autres slameurs, donnant une plus grande diversité à ce genre de soirée. Chacun fait un peu comme il le sent, et le public s'y retrouve.



Vos projets à court, moyen et long termes ?

F : Tout d'abord nous allons faire quelques dates cet été. Notamment au Festival MIMI sur l'île du Frioul le 29 juillet. C'est une date que nous attendons avec beaucoup d'impatience car l'hôpital Caroline est un lieu magique. Puis la rentrée avec, il me semble, beaucoup de dates à l'horizon ... Le prix obtenu au Printemps de Bourges a considérablement élargi notre horizon.

Des collaborations ?

F : Oui, j'ai fait une création avec Akosh S. et Gildas Etevenard pour le festival "Sons d'hiver" et j'ai participé à l'écriture d'un des textes du prochain album de Marcel Kanche (le compositeur de la chanson de -M- "qui de nous deux"). En ce qui concerne Vibrion, comme tu as pu le voir sur l'album nous avons collaboré avec pas mal de musiciens. Je pense que pour le prochain album, on ne va pas se priver non plus.
Ch : Oui, je travaille avec Sayon Bamba Camara qui est une chanteuse guinéenne.
Eric : Je prépare actuellement un recueil de poésie qui sera prêt début septembre en collaboration avec Eloise Saby qui fait la mise en page et les illustrations.

De qui vous sentez-vous le plus proche musicalement ?

Ch : Aujourd'hui, je me sens très proche de la manière dont certains musiciens africains font de la musique, par exemple Alla le joueur de oud, de Bechard, de Dhafer Youssef.
F : Euh, dans l'idée nous aimons des gens très divers, dans la réalité, il n'est pas évident de dire de qui nous sommes le plus proche.

Avec qui aimeriez-vous faire une collaboration ?

Ch : Avec des musiciens de flamenco entre autres mais surtout avec des gens dont l'esprit serait incroyablement ouvert.
F : Avec la chanteuse à la mode du moment bien sûr ... (rires).

Jouez-vous dans d'autres groupes/projets ?

F : Je joue dans Jours le groupe de Clara Le Picard. Stéphane y joue la batterie, Marianne le violoncelle et Laurent Lan (aka DJ Deschamps), la basse.
Ch : Je joue avec Sayon Bamba Camara (musique et contes de Guynée).



Votre site (https://www.vibrion.net/) est très travaillé graphiquement, pouvez vous présenter votre infographiste ?

F : C'est Dany Majard qui a réalisé notre site. Il n'est pas encore tout à fait fonctionnel mais il rend bien l'esprit de notre univers musical.

Vibrion, groupe engagé ? Et qu'est ce qu'être engagé aujourd'hui ?

F : C'est peut-être faire un disque comme celui qu'on a fait, dans les conditions d'indépendance financières et artistiques dans lesquelles nous l'avons réalisé. Je sais pas. Je crois que la question de l'engagement se situe ailleurs pour nous. Elle est contenue dans le propos même de notre musique, nous prenons position certes mais nous voulons aussi être libre, et je crois que c'est la forme d'engagement la plus forte aujourd'hui : tenter d'être libre, ou de ne jamais se résoudre, on a le droit d'être pour ou contre quelque chose mais on a aussi le droit de n'être ni pour ni contre, mais ailleurs, dans un espace à définir, où notre pensée peut déployer ce qui lui reste d'humain. Je crois que ce n'est pas la peine de sursignifier toujours l'engagement par des concerts de soutien toujours pour les mêmes causes (quoique certaines causes méritent d'être toujours et inconditionnellement soutenues). Il faut être vigilant, peser ses mots, choisir, et peut-être ne pas abuser non plus de cette idée de l'engagement, elle est trop précieuse.

S : Pour moi l'engagement politique, social, se résume à la façon que l'on à s'engager dans sa vie au quotidien, nos actions et nos réactions face à ce et ceux qui nous entourent sont je pense directement induites par une philosophie toute naturelle, acquise empiriquement ( je veux dire par là qu'un militant de gauche ou altermondialiste peut être le pire abruti qui va maltraiter sa femme). J'aime l'idée d'un prosélytisme en douceur qui n'existerait que par nos actions quotidiennes.
Voilà grosso modo ma philosophie. Pour ce qui est du groupe, nous sommes 5 dans Vibrion à avoir notre propre conscience, lorsque les idées convergent et que l'occasion se présente nous pouvons envisager d'engager Vibrion (ex. Journée contre les violences envers les femmes, amnestie international. Participation à la compil de soutient pour CQFD Mensuel de critique sociale: https://www.cequilfautdetruire.org.), etc).



Vos autres activités culturelles et sociales

F : Je fais des ateliers d'écriture dans des centre sociaux, des théâtres, à la protection judiciaire de la jeunesse, etc. J'aime beaucoup ces situations d'atelier d'écriture, elles enseignent beaucoup. C'est aussi beaucoup d'émotions brutes et fortes.
E : Je bosse sur l'organisation d'un festival jazz à Lacaze (Tarn).

Qui admirez-vous le plus comme artiste (musical ou pas) ?

S : : Frida Kahlo
F : : Nicolas de Staël. On aime beaucoup les peintres avec Stéphane !

Votre disque culte :

S : A l'unanimité, Alain Bashung "Fantaisie Militaire".
F : : Oui, à l'unanimité ! on l'écoute toujours avec beaucoup de plaisir et d'admiration.
E : : Trop de disques cultes !



Le disque que vous passez en boucle actuellement ?

S : Omar Faruk Tekbilek "One truth".
Ch : Anouard Brahem trio "astrakan café" et bien d'autres disques...
F : Will Oldham et Serge Teyssot-Gay avec Khaled Al Jaramani (Rencontre du guitariste de Noir désir avec un joueur d'oud pour un disque envoûtant.).

Votre meilleur souvenir de concert (sur scène ou dans le public) :

Ch : : Sur scène, Vibrion à l'Affranchi l'année dernière après la résidence, énergie dévastatrice ! (un retour de scène par Delphine à lire : ici.)
E : Bourges, c'était pas mal du tout.

Votre pire souvenir de concert (sur scène ou dans le public) :

Ch : Sur scène en Espagne avec Kanjar'oc suite à des problèmes techniques j'ai pété un câble et je suis carrément sorti de scène pendant le show, affreux!!!
E : Korn, le son était trop fort, j'ai eu mal au crâne pendant deux jours.



Le livre qui vous a bouleversé :

F : Ils sont nombreux mais je pense maintenant à Fernondo Pessoa "Bureau de Tabac" et William Faulkner, et ... Bon j'arrête là, il y en a trop !
S : "Les étoiles de Compostelle" et "Le pape des escargots" d'Henri Vincenot.

Le film qui vous a bouleversé :

S : Des souris et des hommes, c'est sûrement pas ça y en a d'autres.
F : "Muriel ou le temps d'un retour" d'Alain Renais, mais il y en a beaucoup d'autres...Notamment "Freaks" de Tod Browning.

Avez-vous eu l'occasion de tourner hors de Marseille ? Est-ce prévu prochainement ?

F : Oui, nous rentrons d'une tournée où l'on a joué au Mans, à Paris, à Bourges, à Limoges, à Lacaze, à Aix-en-Provence, etc...

Un plus grand dynamisme de la scène musicale au Nord, mythe ou réalité ? Une explication ?

F : Qu'est-ce que cela veut dire dynamisme ? je sais pas.

A mes yeux et oreilles Marseille a une très grosse activité musicale dans tous les styles ... pourtant Marseille semble parfois boudée par pas mal de tourneurs ... et j'entends souvent des gens se plaindre en disant qu'il n'y a pas grand chose malgré la centaine de concerts par semaine dans la région. En tant qu'artiste comment ressentez-vous la situation ?



F : Les gens, les gens, s'ils se plaignent... Certes, il y a des artistes que l'on aimerait voir et que l'on ne voit pas ici mais bon, quand on peut, on se déplace. Pour ce qui est de la diversité, je partage ton avis. En revanche, on ne peut pas dire que la curiosité soit la chose la mieux partagée chez le public marseillais (hormis les fous furieux que l'on voit à chaque fois partout...). On peut regretter qu'il ne se déplace pas plus pour aller voir les jeunes formations, les nouveaux projets. Le public reproche à certains lieux de faire payer l'entrée !!! Je trouve cela désolant, un concert c'est payant, point. Même si la somme est modique, d'un point de vue symbolique, c'est important. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai toujours voulu que les soirées slam soient payantes (il y a des cadeaux et des coups à boire pour ceux qui participent et pas que...), c'est une question d'habitude.

Pour finir pouvez-vous me citer 10 groupes marseillais (en précisant leur style) :

- Dupain (inclassable !)
- Dj Deschamps (trop pointu !)
- Theo (chanson)
- Watcha clan (tribu)
- Marini (chanson)
- Chance (son peinture)
- Kanjar'oc (aie !)
- D.Lafore (chanson)
- Ahamada Smis (hip hop)
- Tripod (coriace !)
- ah oui la petite...AnaÏs (chanson) mais elle est d'Aix non ?
- et Jours (pop) bien sûr !!! Mais ça fait combien tout ça ?

Un interview www.liveinmarseille.com, le 10/05/2005

Crédits photos : Pirlouiiiit, le 30/09/2004 au Balthazar (Marseille)

DATES de l'été :

25 mai VIBRION (Forcalquier) en journée.
25 mai Soirée Slam au Poulpason.
27 mai Fred nevchehirlian et Eric Cartier slam session à Carmeaux (81)
16 juillet Fred Nevchehirlian au Festival Nuits Caroline 1ère Partie de Serge Teyssot-Gay (Noir Désir) & Khaled Al Jaramani.
29 juillet VIBRION Festival MIMI (île du Frioul).
06 août VIBRION Festival Cabaret-Frappé (Grenoble).
26 août VIBRION Festival des Collines (Tourtour).

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