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Interview de Watcha Clan à l'occasion de la sortie de Diaspora Hi-fi

Marseille Mars 2008

Interview réalisée le 01 avril 2008 par Mystic Punk Pinguin

Watcha Clan fait partie de ces groupes que l'on suit depuis toujours, accro à la fois à leur démarche (le métissage) et leur musique dont on a suivi toutes les évolutions. La tribu fête ses 10 ans (d'ailleurs notre première chronique de concert d'eux remonte à cette époque) avec la sortie du (très bon) Diaspora Hi-Fi, fruit d'un périple autour de la Méditerranée.
Rencontre avec Sista Ka (chant fascinant)et Clem (machines mystiques) pour faire le récit de cette aventure, le point après cette décennie, leurs projets à venir....

Comment définissez vous votre style ?

Clem : Pour faire simple on dit "live electro world".
C'est toujours dur de définir notre style mais depuis quelques mois on aime bien"world'n'bass" c'est un bon concentré de ce qu'on veut représenter, des influences très larges dans les musiques du monde et une radicalité et une efficacité au niveau du son electro, de la "fat" bass.

Revendiquez vous certaines influences ?

Clem : Bien sur les musiques dites "traditionnelles" nous inspirent beaucoup, quelles que soient leurs origines, mais également le reggae qui est une solide fondation dans notre son ainsi que ses dérivés, le dub, la jungle. On se place dans la lignée de groupes comme Asian dub fondation, Transglobal underground, Fundamental... On est aussi très influencé par le hip hop, autant old school que plus actuel car c'est une énergie qui nous plaît et qui permet d'avancer au quotidien, de plus le hip hop est mondial, c'est un trait d'union entre les cultures. on peut aussi citer les Rita Mitsouko, Zappa pour leur coté déjanté et rock...

Quelles sont les valeurs du groupe ?

Sista Ka : La liberté à travers la notion de nomadisme, l'ouverture sur les autres cultures, le droit à la différence, le métissage et le mélange des cultures, la tolérance, le voyage permet de forger ces valeurs, et les peuples qui ont subi la diaspora ont du s'adapter sans cesse aux autres, à la différence, de génération en génération ils ont évolué dans l'exil.

Quelle définition donnez-vous au "nomadisme" dont vous vous revendiquez ?

Clem: une liberté de circulation des personnes et une ouverture vers l'"autre", bref un enrichissement dans l'échange et le mélange, fruit de voyages et de rencontres des peuples.



Comment gérez vous le groupe par rapport à vos métiers ? Quel est votre statut actuel ? Vivez vous de votre musique ?

Sista Ka : nous sommes tous intermittents mais ça a mis 7ans, nous nous consacrons tous à Watcha clan uniquement car nous avons tous plusieurs casquettes au sein du groupe: musicien comptable, on prend soin de la com, de la régie, du management toutes les décisions sont communes,...

Parlons de votre album qui vient de sortir "Diaspora hi-fi". D'abord pourquoi ce titre ?

Clem : la "diaspora", c'est le mouvement des peuples, des gens qui doivent quitter leur pays vers d'autres contrées pour des raisons politiques, économiques, donc c'est un concept très fort au niveau de l'identité, du voyage et de la culture et justement "hi fi" c'est la culture qu'on emmène dans ses valises, le son, les mélodies, la nourriture, c'est comme un sound-sytem: un son qui bouge, qui évolue.

Quelle évolution musicale depuis Le Bastion ?

Clem: On reste dans la même veine, c'est toujours la même fusion trad electro acoustique que l'on essaye de faire, mais avec cet album, on l'a composé à deux ou trois max, on a une meilleure maîtrise de notre son, on a avancé dans la prod et on a essayé également de synthétiser nos idées de les canaliser pour vraiment faire ce qu'on voulait.

Et dans les textes ?

Sista Ka : des textes plus spirituels, moins moralisateurs, le message est toujours le même mais passe a travers des ambiances musicales ou le mélange de l'arabe et l'hébreu, il y a trop de morale dans nos sociétés on est pas la pour en rajouter!



Comment s'est passé la compositions des morceaux ?

Clem: généralement cela part d'une mélodie à Sista Ka, d'un des mes samples, ou encore d'une vielle chanson trad qu'on a envie de remixer, on a pas de méthode, on est en perpétuelle recherche et un morceau peut être décliné en trois ou quatre versions avant de finir sur l'album, notre home studio c'est un peu un laboratoire d'expérimentations.

Quelle part vient de vos origines, de vos voyages, de vos écoutes ?

Clem: une part vient des origines de Sista Ka, moitié séfarade et moitié ashkénaze, un mélange du sud et du nord, mais notre 2eme passion ce sont les voyages, d'ailleurs on partait davantage quand Watcha clan tournait moins aujourd'hui pour continuer à se nourrir on allie les deux, ça permet de rester moins con de côtoyer l'autre, et les back to the roots comme le voyage en Algerie pour Sista Ka lui a permis d'affirmer une identité et de prendre confiance en elle. Aujourd'hui on est 80% de notre temps sur la route, on vit dans une espèce de communauté watchaclanesque qui nous rend heureux et c'est ce qu'on communique a chaque concert

De quoi parlent les chansons ?

Sista Ka : de la culture sémite qui est la culture commune aux juifs et aux arabes (Call of hagar), de la tolérance, de la spiritualité (Eli), du nomadisme (Les hommes libres), d'amour (Quoulou balkan), de mariage (Tchiribim), des diaspora (Travelling shoes)

Comment son venus les interventions de Théodore Monod ?

Clem: malheureusement Theodore Monot est mort l'année dernière je crois on a perdu un grand penseur! L'extrait présent dans les hommes libres provient du film "Desert rebel" de F.Bergeron que je recommande à tout le monde, on a samplé dans ces images d'archives où T.Monod est présent dans la rue lors d'une manifestation contre l'expulsion de sans papiers. Il est dans la rue avec un mégaphone et il dit ce texte très explicite "parce que les nomades sont des hommes libres..." qui résument très bien le problème que rencontrent les populations nomades face aux pouvoirs centraux.

Pouvez_vous nous parler de vos voyages et résidences qui ont amenés cet album ?

Clem: tout d'abord il y a l'Algerie ou nous sommes allés deux fois en 2003 et 2006, c'est à Oran qu'on a rencontré Nassim, chanteur/guitariste (qui tourne avec nous régulièrement) et qui est tres présent sur l'album. A Oran on a travaillé avec des musiciens arabo-andalou, des rappeurs (le groupe TOX) et on vraiment déliré, les concerts étaient très très chaud, les gens participaient et on a découvert une jeunesse et un public qui avait faim de fusion, d'expériences, de musique, ça nous a énormément inspiré, c'est de la qu'on a ramené "Goumari" , "ch'ilet la yani" "oued chouli".
Ensuite il y eu Barcelone, ou on a rencontré le milieu plus drum'n'bass (Mc Ragatek) et hip-hop (Gato el quiman) et la derniere étape a été Agadir au Maroc.
A Agadir, On a travaillé avec Amarg Fusion, Farid (un virtuose du oud) et Style souss (du rap berbère), encore une fois ca été une super expérience d'échange et de création avec un concert de folie au CCF.

C'était vraiment important que nous fassions ces résidence et voyages pour partager notre musique, apprendre et échanger avec des autres artistes et on est vraiment heureux car on a travaillé avec des personnes de cultures, de générations tres différentes, du tres traditionnel au hip-hop. A l'heure ou on parle de plus en plus de méditerranée, il est important que des projets d 'échange comme le notre voit le jour, reste le probleme d'inviter tout ces artistes en france et la il y a un gros probleme, les visas, donc vraiment j'espere que les relations entre les deux rives de la Mediterranée vont s'ouvrir et ça c'est un probleme politique!!!!



Avec qui avez-vous bossé en studio ?

Clem: on a presque tout produit a la maison, dans notre studio laboratoire, où Tim de Transglobal underground est passé pour nous donner quelques retours,conseils, arrangements sur certains titres, c'était vraiment une belle rencontre. Ensuite pour le mix, on est allé au "Supadope factory", le studio du Peuple de l'herbe à Lyon où on a mixé l'album avec Nico Matagrin, l'ancien sono de Mei tei Sho, qui nous a vraiment beaucoup apporté dans la prod, de beaux delays, des disto sur les voix, on a vraiment kiffé cette étape de mix!

Qu'est-ce que représente l'autoproduction vour vous ?

Sista Ka: une grande liberté, non seulement par rapport aux compo, à la musique, mais aussi une independance par rapport au milieu du show biz qui a tendance à tout formater. On peut choisir notre visuel, notre façon de communiquer, nos partenaires: tourneur ou partenaires promo, notre distributeur...c'est ce qui nous a permis d'etre encore là après 10 ans d'underground, mais ça demande beaucoup de travail et de rester conscious!

Vous pouvez nous parler de Piranha, votre label ?

Clem: Piranha est un label berlinois, c'est un label indépendant, donc proche de notre éthique, qui a beaucoup fait pour le developpement de la world music, on se sent tres proche d'eux et ils ont vraiment un catalogue de qualité. Cette année il fête leur 20 ans et nous nos 10 ans!

Les projets ?

Clem: Continuer le tour de la Méditerranée avec notre "Diaspora hi fi", il reste beaucoup d'étapes, beacoup de ports, de villes, de musiciens à rencontrer. On est très attiré par Istambul et la Turquie de même que par une halte dans les Balkans ou encore en Egypte!
Sista Ka: Continuer ce voyage et ces residences autours de la Mediterranée pour mettre en avant cette culture commune autours du bassin med, passez par la Turquie, la Grèce, les Balkans le Moyen Orient pour boucler la boucle en Algerie et à Marseille notre port d'attache, l'important c'est a chaque fois de prendre le temps de la rencontre humaine, à l'origine de la creation musicale

Que pensez vous du problème du statut intermittent ?

Sista Ka: le probleme c'est l'abus, tous ce qui sont intermittents alors qu'ils n'ont rien avoir avec le spectacle vivant, qui sont en fait des salariés déguisés, c'est a dire la plupart des intermittents!!!!

Vous tournez beaucoup en dehors de la région ?

Clem: oui, on tourne beaucoup à l'étranger, on revient d'un mois et demi de tournée qui nous a mené en Allemagne, en Autriche, en Republique Tcheque, en Hongrie, là on commence notre tournée en France avec une date à Marseille à l'Espace ju le 3 avril avec Transglobal undergound et on repart a l'étranger au printemps (Allemagne, Hollande, Esapgne), encore de beaux voyages en perspective....
Toutes les dates sur: https://www.myspace.com/watchaclan

Dans les groupes que vous avez croisés sur la route, qui vous a le plus marqués ?

Sista Ka: Chekha Rimiti en 2006
Clem: Goran Bregovic et Coldcut en 2007

Que représente la scène pour vous ?

Clem: c'est là que tout se passe, l'échange, l'énergie c'est primordial pour nous, les concerts c'est la vie!

Avec qui pourriez-vous imaginer/aimeriez-vous faire un duo ?

Clem: Mercan dede (ney et machines), Roots Manuva (Mc anglais)... il y a trop d'idées qui viennent!

Dans les disques que vous avez récemment achetés lequel vous a le plus plu et lequel vous a le plus déçu ?

Clem: le dernier Burial "Untrue" m'a beaucoup plu, comme le dernier Mercan Dede "800" et le dernier Babazula "roots" chez Doublemoon records. Le dernier RJD2 m'a décu (d'ailleurs je ne l'ai pas acheté!), tout comme le dernier 4 hero.

Vous écoutez quoi en ce moment ?

Clem: en musique du monde, le label Doublemoon records : Mercan Dede, Babzula et une compil de remix qu'ils viennent de sortir, coté hip hop US Emanon, Guilty Simpsons. Dans l'electro j'aime bien le dernier Burial, sinon je réécoute également Nino Ferrer, qui a vraiment fait de la soul francaise qui déchire, quel son d'orgue!
Sista Ka: Herbalizer



Quelle est votre pratique d'Internet par rapport au groupe ?

Sista Ka: on s'en sert pour communiquer, on est à fond sur myspace.

Votre position sur le téléchargement ?

Sista Ka: si pas d'abus et pas de boulimie, c'est bon la culture gratuite surtout quand si le telechargement est utilisé a bon essien: decouvrir de nouveaux groupes ou musiques pour ensuite avoir envie d'acheter leur disque ou de venir les voir sur scène
Clem: d'ailleurs on a un titre inedit à telecharger sur notre myspace "quinto regimineto" un hommage aux combattants des brigades internationales de la guerre civile espagnole! spread the word!

Un plus grand dynamisme de la scène musicale du Nord, mythe ou réalité ?

Sista Ka: c'est une realité malheureusement, et particulierement dans le sud-est on est au ralenti et c'est dommage car il ne manque pas de talent, mais on ressent comme un manque d'investissement et de sacrifice sur le long terme, du mal à se féderer, et quelques fois une certaine medisance envers les groupes qui sortent de leur region alors que cela pourrait créer en réalité un dynamisme et une émulation. On respecte à fond des groupe comme IAM ou même à plus petite echelle Massilia ou Kanja rock qui ont ouvert la voie, il faut qu'on se bouge et y croire pas que dans la paroles mais dans les faits!

Pour finir, pouvez-vous nous citer 10 groupes de la région (en précisant leur style) ?

Phm: beat box
Kenny Arkana, la Methode, Carré rouge: hip hop
Dawta Jena, Sons of Gaia : reggae
Les grosses papilles : chanson rock
D'aqui dub : dub occitan
Le cor de la Plana : occitan
Massilia sound system : ragga festif marseillais
Eths : neo metal
Kabbalah : nu klezmer
Saf sap : nu soul hip hop
Poum tchack : tsigane, manouche
La cumbia chichara : cumbia
Rit : chanson reggae

Pour nos lecteurs marseillais ou de la région :

- un conseil resto : le Pavillon thai
- Un conseil bar : le Balthazar

Et pour finir, Si Watcha Clan étaient :

un animal : le lézard
une couleur : ocre
un plat : couscous
un livre : le prophète
un film : Soy cuba



www.watchaclan.com/ et www.myspace.com/watchaclan

Des retours de scène : ici
Des chroniques de disque : . L'interview de 2005 à lire, .

Un interview


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