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Chronique de concert Interview d'Arnold Turboust
Mardi 5 novembre 2024 : 7119 concerts, 27217 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.
Interview d'Arnold Turboust
Quelques heures avant son concert de présentation de son nouvel album, au Sentier des Halles, "l'élancélégant" Arnold Turboust me recevait très simplement, afin de répondre à mes innombrables questions (enfin, soyons honnête, il est quand même dans l'ordre du possible de les compter !). Il m'attend en fumant une cigarette devant la porte, c'est assez intimidant de le rencontrer !
Un escalier descend vers la salle voûtée du bar, où il me présente à quelques-uns de ses amis, en fait ses musiciens (dont Xavier Géronimi -comme ça fait drôle aussi de mettre un visage sur quelqu'un dont on voit le nom depuis des années sur des pochettes de disque !) ainsi qu'un personnage au faciès souriant qui ne m'est pas inconnu... quelques secondes de réflexion, puis ça y est : Marc Toesca ! L'interview a lieu dans la petite et unique loge du fond, nous entendrons les préparations du spectacle précédent le concert mais serons assez tranquilles.
La pochette de Démodé est assez excellente : "Arnold Certification" n'est pas de la publicité mensongère tellement on y retrouve votre style avec plaisir. Par contre, quel est le sens caché de "100% Wool" ?
AT : Ce n'est pas moi qui ai fait la pochette. En fait j'ai fait appel à un artiste qui fait beaucoup d'expos, Philippe Touriol, qui fait plein de choses, de graphismes, de dessins, de peintures, enfin voilà. Et donc je lui ai dit que mon postulat de base c'était de ne pas mettre ma photo sur la pochette et que l'album allait s'appeler Démodé. C'est tout.
Et lui il a trouvé ça, c'est en fait un petit peu comme une marque, si vous voulez. Je ne vais pas en dire plus parce qu'il y a quand même quelque chose de caché sur cette pochette, effectivement.
Sur la jaquette on a également une espèce de logo, alors je me demandais si c'était une référence papale, ou autre ? [rires]
Oui on m'a dit ça, on m'a dit "orthodoxe" aussi, mais non non, pas du tout.
Ca fait partie justement du secret de cette pochette, et il faut le trouver.
Voilà, c'est comme ça.
F : Bon ben ce sera le grand jeu alors !
AT : C'est un jeu. Non mais c'est vrai, je ne peux pas le dire, ce serait un peu gênant de le dire.
Vous avez été l'un des pionniers dans le rock français de l'utilisation des synthétiseurs, dès 1980 avec Marquis de Sade [moue un peu dubitative d'Arnold, de modestie !?], mais ils étaient moins mis en avant dans vos deux albums précédents. Ils font leur grand retour sur Démodé, est-ce une démarche volontaire ou un peu le hasard ?
AT : Non, j'en avais envie Sur cet album je voulais mêler sons de piano (et des pianos il y en a pas mal), avec justement un peu d'électronique. Et comme j'ai su rapidement que j'allais faire cet album chez moi, j'ai fait un peu le tour des instruments que j'avais en ma possession. Et en fait j'ai quand même pas mal de synthés, je me suis dit : "Tiens, ça fait longtemps que je ne me suis pas servi de celui-là, de celui-ci...", voilà. Et puis c'était aussi une volonté en fait. C'est vrai que je les avais un peu oubliés ces derniers temps. Bien que dans l'album précédent il y avait une chanson qui s'appelait L'espace d'un instant, avec pas mal de synthés. Mais celui-ci est de façon plus affirmée un album synthétique.
Vous avez écrit en conclusion de la jaquette de Démodé : Sur cet album je ne suis pas nombreux puisque je suis seul avec moi-même et c'est déjà un de trop. Et ce soir, au concert, vous serez aussi tout seul avec vous-même ?
AT : Non, je serai accompagné. A la guitare par Xavier ‘Tox' Géronimi, un complice de longue date, puisqu'en fait on a fait plein de choses pour Etienne Daho ensemble. D'ailleurs il a fait pas mal de son dernier album L'invitation. C'est lui qui a presque tout composé.
Et Roberto Briot, qui est un copain aussi, bassiste, qui a fait plein plein d'autres choses aussi. Ce sont deux copains en fait, voilà. Donc je ne suis pas seul, fort heureusement.
Une seule date de concert pour la sortie de l'album : il me semble que vous aviez déjà fait comme ça pour Toute sortie est définitive, non ? Comment cela se fait-il qu'il y ait si peu de scène à chaque fois ?
AT : Oui, pour l'album précédent, j'avais fait juste un petit truc, c'était à l'Archipel. Pendant longtemps en fait, la scène ça me paralysait un peu. Je ne suis pas très à l'aise, je suis plus quelqu'un qui faisait des chansons, qui les arrangeait en studio, c'était un peu mon bonheur et ma passion. Bon, et maintenant, je me dis : "ça serait bien d'en faire un petit peu".
Puis je pense que c'est bien aussi pour promouvoir, et c'est surtout bien pour rencontrer le public. Voilà, c'est pour exposer ce qu'on a fait, quoi. Alors là c'est ce qu'on fait ce soir, mais je pense qu'il y aura d'autres dates aussi, c'est en train de se voir.
F : C'est uniquement en région parisienne ?
AT : Non non, je dois aller jouer à Caen, ça c'est sûr. Et puis aussi peut-être dans l'Ouest. Il est possible aussi que je rejoue à Paris, dans d'autres endroits, je ne sais pas encore où exactement, mais il y a plusieurs lieux possibles. Voilà, mais c'est en train de se décider, et le problème que j'ai c'est que je n'ai pas de tourneur non plus, donc c'est : date, date date. Ca va peut-être venir, d'ailleurs, je cherche un peu. Je fais une démarche pour trouver un tourneur. La maison de disques, Marc Toesca, s'en occupent aussi mais, voilà l'album vient juste de sortir, on commence juste à avoir quelques réactions. Il faut un peu de temps.
F : Marc Toesca, c'est la maison de disques en fait, c'est ça ? Parce que je me demandais à quel titre il apparaissait en 1ère place sur les remerciements de Démodé ?
AT : Oui c'est ça, en fait c'est son label, il s'appelle Monte-Carlo records, voilà.
J'ai vu que vous aviez changé trois fois de label, un par album. Est-ce l'espacement de vos albums qui explique cela ou d'autres éléments ?
AT : Non je vais où on veut de moi, c'est clair. Par les temps qui courent je crois que c'est déjà formidable de pouvoir faire des albums, de pouvoir faire de la musique, parce que c'est tellement pas évident... En fait les albums vendent beaucoup moins qu'à une époque, c'est dur à promouvoir. Donc, de fait les labels sont de plus en plus frileux. C'est la raison pour laquelle c'est difficile.
F : Bon ben alors tant mieux si ça fonctionne avec Monte-Carlo Records !
AT : Ben je ne sais pas, on va voir, peut-être vais-je me faire virer avec pertes et fracas. [rires]
A la fin du titre La machine à sous, vous saluez avec humour une série de banques : comment a été établie la liste de ces banques ? Par ailleurs non répercutée dans les paroles sur la jaquette !
AT : En fait ça s'est passé comme ça : c'est-à-dire que j'avais cette chanson et donc on était en plein mix, et puis à la fin je me disais : "il manque quelque chose". Mais je ne savais pas trop quoi dire et puis surtout je n'avais pas vraiment de mélodie (bien que ce ne soit pas à proprement parler une mélodie, c'est plus un truc récité). Et c'est venu comme ça, d'un coup j'ai eu le flash, je me suis dit : "Mais oui tiens, on va faire une mélodie comme ça... puis en fait ça parle des banques... donc je vais citer des noms de banques à la suite". Donc voilà, c'est marrant parce qu'en fait le mix commençait le matin de cette chanson, et je me suis dit : "Il faut absolument que je sois là vers 16-17h avec le reste du texte" alors j'ai fait ça assez rapidement. Tchak tchak, j'ai chanté, j'ai harmonisé, et voilà...
Mais en même temps il y en a certaines qui me tiennent à cur, hein !
F : [rire] Vraiment ?
AT : Haaa...
Enfin non. En fait je trouve ça plutôt drôle. Bon, je ne les ai pas mises dans le livret, parce que j'estime que c'est déjà suffisant comme ça, quoi. Si on veut comprendre...
D'ailleurs j'ai bien du mal à m'en souvenir, là, quand je chante. Parce que j'ai écrit tellement vite ! Les autres paroles ça va, mais là je me dis : "Pourquoi t'as dit ça, pourquoi t'as pas cité cette banque aussi ?". Parce qu'il y en a tellement, on pourrait faire des chansons rien qu'avec ça !
Enfin c'est quand même drôle de mettre les banques en chanson, ce n'est pas leur vocation !
F : Non non, ça doit être une première dans l'histoire de la musique. [rires]
Toujours sur ce titre, dans les crédits, le "sound design" est signé Benjamin Minimum. Il avait co-écrit avec vous plusieurs titres de vos débuts. Vous étiez resté en contact depuis ?
AT : Et bien pas beaucoup justement, et je me suis dit : "C'est dommage, Benjamin, outre le fait qu'il écrive bien, il a plein d'idées. Il faut que je l'appelle." Alors au début je voulais qu'il me fasse la pochette, mais en fait il ne pouvait pas. Alors comme il trafique beaucoup avec les sons, tout ça, je lui ai dit : "Tiens, sur La machine à sous, tu pourrais me faire quelque chose ?" Immédiatement ça l'a inspiré, il a fait des lasers, des bruits de casino, que sais-je... Et pour moi c'était important. On perd facilement le contact les personnes qu'on aimait bien. Donc je me suis dit : "C'est vraiment trop bête, je le vois jamais, Benjamin." C'est pour ça que je l'ai appelé.
F : Il a continué dans la musique, après Gino & Ginette ?
AT : Ben il a fait quelques trucs mais en fait, il est passé de l'autre côté, puisqu'il s'occupe d'un magazine qui s'appelle Mondomix, un magazine de world music.
Une question de Valentin, mon fils, sur le titre Histoire de déplafonner, que nous écoutions hier : est-ce un poisson qui parle ? Ou est-ce que c'est vous ? Sans doute un truc à décrypter encore !
[Il réfléchit.]
AT : Un poisson qui parle...
Ha, parce qu'il fait des bulles ?
Ouais, j'ai failli l'appeler "La bulle", j'y ai pensé. Je voulais l'appeler aussi "La déplafonnisation" et bon, allez, j'ai rationalisé l'histoire, je l'ai appelé Histoire de déplafonner.
Mais oui, les bulles dans mon aquarium, c'est vraiment ça, c'est-à-dire qu'en fait dans un endroit, mon petit coin, je suis là, en train de faire de la musique, je me pose des questions. Et des fois le désespoir me prend, et des fois je suis super content, je reviens heureux. Et quelquefois, ça conditionne ma journée voire plus que ça. Faire de la musique pour moi c'est vraiment une passion, j'aime beaucoup ça. Et je suis très malheureux quand je sens que je n'ai pas le truc ou que j'ai loupé une idée, j'en dors plus. Enfin, ce n'est pas que je n'en dorme plus, mais je le vis mal quoi.
F : un poisson déprimé dans son bocal...
AT : un poisson déprimé dans son aquarium, qui fait des bulles.
Mais ça pouvait être aussi des bulles de chewing-gum, hein ! J'avais pensé à ça aussi.
Mais mon aquarium, si vous voulez, c'est mon laboratoire, c'est mon studio d'enregistrement, c'est ça.
Ha c'est marrant, les enfants ont toujours des interprétations bien à eux...
Mon bel oiseau ne devait-il pas apparaître initialement sur l'album de Barbara Carlotti ? Et finalement il se retrouve sur votre album, que s'est-il passé ?
AT : Pas de Barbara Carlotti, mais de Jean-Emmanuel Deluxe.
Généralement dans mes albums, il y a toujours au moins un duo. Enfin, pas toujours, mais j'en mets à peu près toujours, parce que j'aime bien, ça.
Et donc en duo, je n'avais, parmi les chansons qui me semblaient correctes, que celle-là. Donc j'ai décidé de la mettre, même si en fait ce n'est pas tant un duo que ça : moi je ne chante quasiment pas sur cette chanson, c'est elle qui chante.
Enfin voilà je trouve qu'elle avait vraiment la voix parfaite, elle chante très bien, elle a une très très jolie voix.
F : Et comment elle s'est faite, cette collaboration ?
AT : Et bien en fait je devais écrire un titre pour une compilation qu'un ami, Jean-Emmanuel De Luxe, m'avait demandé. Et puis je lui avais proposé cette chanson, mais en lui disant : "Le seul problème c'est qu'en fait c'est pas une chanson de garçon, c'est plus une fille qui doit chanter, le garçon il intervient juste à la fin, et je ne sais pas avec qui faire ça". Il m'a alors proposé cette personne, Barbara Carlotti. Je la connaissais, je l'avais entendue dans un album qui s'appelle Imbécile, fait avec Katerine, JP Nataf, Helena Noguerra... et elle chantait une chanson où j'adorais sa voix vraiment superbe.
Mais j'ai trouvé tellement bien notre duo que j'ai dit "allez je la garde pour l'album ! "
Oui alors c'est vrai que vous avez souvent fait des duos avec des femmes : Zabou Breitmann [Adélaïde], Tess [Duo], Sofia Hunt [French Letters], Lina [D'Août à Août], B.Carlotti, la seule exception étant à ma connaissance La Chanson du coq et de l'âne avec Etienne Daho. C'est elles qui sont demandeuses ou vous ?
AT : Non c'est plutôt moi. En fait ça a toujours été un truc, un idéal, presque de sublime... enfin quand j'ai fait Adélaïde je ne voyais pas autre chose que de faire une chanson comme ça. Peut-être aussi, je ne sais pas, par timidité, je me dis que le duo c'est rassurant... enfin voilà, puis j'aime bien ça.
Alors avec Tess, c'est vrai, c'est ma chère et tendre depuis toujours, donc c'est différent. Lina, c'est une amie, j'ai fait pas mal de chansons pour elle. Et là, Barbara Carlotti, que je connais moins, mais je continue cette logique.
Puisqu'on parle de Tess, vous avez co-écrit il y a longtemps quelques titres pour elle. J'ai deux maxis d'elle, que j'avais trouvé dans des brocantes -je ne sais pas s'il existe autre chose- ...
AT : Non non il y en a deux, c'est ça.
... alors a-t-elle, ou avez-vous ensemble, de nouveaux projets musicaux pour elle (en dehors de faire les churs sur vos albums) ?
AT : Elle a complètement arrêté. Non en fait elle aimait bien ça, chanter, mais bon, bof. Si vraiment ça avait fonctionné énormément, peut-être qu'elle aurait changé d'avis. D'autant plus que je trouve qu'elle avait vraiment une super voix.
Et vous avez de la chance de les avoir trouvés, ses maxis, notamment Nirvana, parce que c'est rare ! C'est pas évident, il y a plein de gens qui me l'ont demandé. Même moi je ne l'ai pas, j'ai juste un maxi, c'est tout.
F : C'est peut-être le single qui est introuvable ?
AT : Ben les deux, ce n'est pas évident, je sais. Des fois on en voit, mais naturellement c'est à des prix pas possibles, donc...
Et on parlait de Lina aussi. Alors moi je me posais une question (qui n'a plus rien à voir avec Démodé, désolé) : Comment se fait-il qu'on retrouve votre thème pour le titre T'es kitsch, j'te quitte ! de Lina sur La foire de l'empoigne ?
AT : En fait ça m'est arrivé plusieurs fois cette espèce de faiblesse, de "donner" un titre à quelqu'un. C'est-à-dire que bon, Lina avait besoin de titres, donc je lui ai donné celui-ci. Ca sonnait bien, mais d'un autre côté je l'avais commencé pour moi, j'avais aussi commencé un texte, donc j'ai eu des regrets. Et donc voilà c'est pour ça effectivement : c'est la même chanson, enfin c'est arrangé différemment, c'est tout. Mais c'est la même, avec un texte différent.
F : C'est très curieux d'ailleurs, quand on découvre la chose. La première fois que j'ai entendu la version de Lina je me suis dit "qu'est-ce que c'est que ça ?", je ne m'y attendais pas !
AT : Oui c'est marrant, c'est vrai. Mais c'est souvent parce qu'en fait j'écris un texte, j'ai un début de texte qui n'est pas fini, puis je doute tellement que je ne vais pas plus loin. Puis quand on me sollicite je dis "j'ai cette chanson, tiens, ha oui elle est bien". Donc je la fais (pour Lina ou pour quelqu'un d'autre)... et puis effectivement à la fin je me dis "Ho mince, moi mon texte était bien aussi...".
Alors, pour revenir aux instruments, on en parlait au tout début : sur les 1ers enregistrements que je connais de vous en 1979 sur l'album Dantzig Twist, c'est au piano que vous officiez, et jusqu'à Démodé c'est toujours un plaisir d'écouter vos parties de piano, qui font partie du charme de vos disques. Comment y êtes-vous venu et quel rapport entretenez-vous avec cet instrument ?
AT : J'ai eu plusieurs époques de piano. La première époque, c'est petit, quand mes parents ont voulu que j'apprenne cet instrument. Et j'aimais bien, mais en même temps je n'aimais pas, ça m'énervait parce que c'était encore un truc scolaire, et c'était un peu difficile. J'ai dû commencer quand j'avais sept ans et j'ai suivi jusqu'à douze-treize ans des cours. Après, parallèlement à ça, j'ai dit "j'en ai marre", et malgré tout sans arrêter je suis passé à autre chose, c'était l'orgue. Donc j'ai appris un peu plus le mode chanson, tout ça. Enfin voilà j'avais un super prof, un mec vraiment formidable, un belge qui m'a appris plein de choses : Daniel Van Der Bosc. Ca fait bien longtemps que je ne l'ai pas vu, d'ailleurs.
Puis mon premier enregistrement s'est passé de la façon suivante, on m'a dit : "T'es pianiste ?" "Ouais, vaguement". "Tu vas faire nous faire un piano pour Marquis de Sade". C'est tout.
Sur Démodé je suis revenu au piano, puisqu'en fait j'en ai racheté un spécialement pour cet album, afin d'avoir un autre style de son de piano.
Et en dehors de ce que vous appelez sur les crédits de vos disques les "bouis-bouis synthétiques" ou "autres bricolages", on vous voit crédité aussi à la basse souvent et aux drums. Vous pratiquez d'autres instruments ?
AT : Non mais en fait je suis surtout pour les claviers, pianos, tout ça.
J'ai appris aussi les cuivres, j'en ai fait pas mal mais bon, ça fait longtemps. Là j'ai voulu essayer à nouveau de toucher vaguement un cuivre, et c'est trop difficile.
En revanche, je me suis acheté une basse et j'en ai fait un peu. Je suis assez mal à l'aise, ça fait mal aux doigts en fait. Mais je m'y suis mis et puis c'était surtout pour chercher un type de son de basse bien particulier. Certaines parties de basse de l'album ont été faites par un ami qui s'appelle David Forgionne Et une autre personne, qui d'ailleurs joue avec moi ce soir, Roberto Briot.
Je me suis aussi mis un peu aux perc[ussions] et c'est vrai que j'aime bien parce que faire ces petits shakers, ces petites programmations, c'est vraiment bien. Je ne suis pas du tout quelqu'un de rythmique, je suis plutôt quelqu'un qui joue avec les couleurs, c'est-à-dire plus le monde harmonique, enfin c'est ce que je préfère. Mais en revanche il y a des choses que j'aime beaucoup dans les rythmiques.
Pour revenir aux coopérations avec d'autres artistes, les quatre musiques que vous avez composé pour l'album Eden d'Etienne contribuent très fortement à dessiner l'ambiance et l'identité sonore de cet album (j'aime notamment beaucoup Les pluies chaudes de l'été et L'Enfer enfin). A quand une nouvelle coopération de cette qualité avec lui ?
AT : Non, il n'y a rien de prévu. Peut-être que ça arrivera, mais je n'en sais rien du tout, pour le moment je n'en parle pas.
Avec Etienne Daho, on a été un petit peu, disons -on peut le dire - en froid. Il y a forcément des histoires au bout d'un certain temps, enfin bon voilà. En fait on l'avait déjà été à une époque, puis depuis 2000 il y a eu clairement une période de glaciation, appelons-là comme ça.
Mais là depuis quelques temps c'est un peu différent. D'ailleurs, le hasard a fait que il y a à peine quinze jours, j'ai fait une émission sur France Culture, et il était là aussi, on s'est retrouvés sur le plateau. On s'était pas mal revus aussi quand il a fait la réédition de Pop Satori. Il m'avait dit : "tiens, je vais remettre ça et ça...". Il a repris des vieilles démos, c'était assez marrant quand je les re-entendais, et je ne savais même pas qu'il les avait gardées. Etienne, il garde vraiment tout !
F : Oui elle est bien la réédition, c'est dommage que d'autres n'aient pas été faites pour d'autres albums.
AT : Ben il en était question, mais je ne sais pas du tout où ça en est.
F : Notamment le deuxième album ce serait pas mal !
AT : Ouais le deuxième album... il était question d'Eden aussi, parce qu'il y avait d'autres trucs aussi de l'époque Eden qui ne sont pas sortis. C'est ce qu'il m'a dit.
Dans les coopérations avec Etienne, mais pas pour lui, il y avait celle -je suis désolé c'est un peu ancien- avec Brigitte Fontaine sur son album Genre humain, et vous aviez notamment co-écrit le titre Conne, que j'adore. Quel a été votre rôle dans l'écriture de ce titre, et comment s'était passé le travail, plus globalement, sur l'album ?
AT : Alors en fait, ce titre Conne était initialement joué dans ses concerts : Areski [Belkacem] faisait un solo de guitare, et elle déclamait un texte dessus, ce texte. Et Etienne m'en avait parlé, il trouvait ça génial. On a dit à Brigitte : "Ce serait bien que tu nous le mettes en forme, et nous on va te faire une bande-son". Donc on a juste récupéré le texte, on ne s'est absolument pas servi du solo d'Areski, et on lui a écrit la musique. Et c'est vrai que cette chanson, je trouve qu'elle a vraiment quelque chose.
C'est un bon souvenir pour moi, puis je suis fier d'avoir fait ça avec Daho, parce que c'est réellement notre travail, même s'il y a d'autres personnes en plus de nous indiquées en crédits. Je l'ai toujours eu un peu en travers de la gorge : les personnes qui ont écrites cette musique, c'est réellement Daho - Turboust [il y a 4 noms dans les crédits]. De A à Z, on lui a tout fait, y compris la production, là-dessus. Mais enfin bon, il y a des histoires anciennes comme ça, je n'ai pas envie de rentrer dans la polémique.
Bon sinon, est-ce que vous avez d'autres projets de coopération en cours ou en vue avec d'autres artistes ?
AT : Pour le moment non, mais ça va peut-être arriver. En fait pour le moment, j'en suis plus avec cet album, je me suis un peu concentré sur la scène, à répéter. Il y a vaguement des projets, mais c'est tellement pas sûr que je n'en parle pas.
Alors sinon, vous avez enregistré peu de musique purement instrumentale (essentiellement à ma connaissance la BOF de Bécassine), pourtant je trouve que vous y excellez aussi (j'aime beaucoup les instrumentaux Devinettes et La montagne blanche). N'avez-vous pas de nouveaux projets instrumentaux ?
AT : Ben justement, ce sera peut-être dans ce domaine où j'ai peut-être un projet qui est en train de naître. Mais bon, ce n'est pas sûr parce que vous savez, le cinéma, tout ça, c'est un peu compliqué : vous êtes pris, on veut de vous, puis on ne veut pas de vous, voilà c'est un peu ça. Et c'est vrai que c'est formidable de pouvoir faire de la musique de film, c'est vraiment un truc... je l'ai fait très peu.... On s'est servi de chansons que j'ai faites, mais bon sans plus. Par exemple Conne ça apparaît dans je ne sais pas combien de films, Epaule Tattoo aussi... Si, j'avais fait une musique liturgique pour un film de Guédiguian à un moment donné, mais c'était juste un petit truc de 2-3 minutes, hein, vraiment rien, quoi. Et, puis Bécassine effectivement.
J'ai fait aussi un truc assez marrant, qui était l'inverse : en fait j'ai fait des textes pour des dessins animés. J'ai fait deux choses : un truc qui devait passer sur la Cinq , Bravo Gudule ! et Merci Gudule !, des traductions de l'anglais. C'est sorti il y a 2-3 ans. Et j'ai écrit aussi des textes pour Les quatre saisons des Drôles de petites bêtes. J'ai même chanté une chanson, avec, un petit bout. La musique était de Cyril de Turckheim. Il y avait une thématique par épisode, chaque saison, donc quatre gros épisodes de 20 et quelques minutes. Avec à chaque fois au minimum une ou deux chansons.
F : Alors je chercherai ça ! [rire]
AT : Ben je ne les ai même pas, moi, en fait. Mais il y avait des trucs qui étaient pas mal, vraiment. Version française, et version anglaise aussi.
J'ai lu que malgré le succès d'Adélaïde, vous aviez rapidement pris beaucoup de recul avec ce titre, au point de ne pas l'inclure sur votre 1er album Let's go à Goa. Est-ce la même raison qui a conduit à écarter votre 2e single Les envahisseurs de l'album ?
AT : Adélaïde, bon alors : c'est vrai que j'aurais pu la mettre sur l'album, d'ailleurs la maison de disques, naturellement, le voulait absolument. Mais en même temps, moi je me disais que le format single allait bien avec.
Puis sincèrement, j'en avais un peu marre moi aussi de cette chanson. De toute façon elle ne m'appartenait plus.
Quant aux envahisseurs, j'avais tellement de doutes là-dessus, je me disais : "à quoi bon ?". En fait c'était la chanson qui a suivi Adélaïde, et naturellement la maison de disques m'a demandé un Adélaïde bis. Et moi je me souviens, j'étais dans une tournée (avec Daho), je n'avais pas arrêté, je n'avais plus une chanson d'écrite, et d'un seul coup, je me souviens : ils m'appellent et ils me disent : "Il faut un second titre, et dans quinze jours." Donc c'est pour ça, à un moment donné, ça m'a stressé et tout, je ne voulais pas mais il a fallu le faire quand même. Et je n'étais pas content de moi.
Mais c'est vrai, maintenant je rêve peut-être de compiler tout ce que j'ai fait, j'adorerais. Enfin, "compiler" ce n'est pas un beau mot, mais peut-être plutôt de ressortir tout, par exemple l'album Let's go à Goa avec Adélaïde, tout ça, bref recoller les chansons aux différentes époques.
F : Justement, je me demandais s'il n'y aurait pas un DVD d'Arnold Turboust, un jour ?
AT : Ben peut-être, oui, j'aimerais bien. Ca va peut-être venir.
A l'écoute de titres comme La Pompadour, Adélaïde ou Hillary, je me demandais si vous aviez un goût particulier pour l'Histoire et les grandes figures féminines un peu "fortes", de caractère ?
AT : Oui, j'aime bien l'Histoire, j'ai toujours bien aimé, je suis assez féru d'Histoire et je connais, enfin "je connais", un petit peu. Je lis pas mal de choses là-dessus.
Et La Pompadour c'était aussi parce que je trouvais que le mot était tellement drôle (rire). Enfin, voilà, et "La Pompadour" c'était définitif comme terme et en même temps c'était aussi en quelque sorte en référence à Adélaïde, pour faire une boucle.
Quant à Hillary, c'est bête en fait, je le dis d'ailleurs dans la chanson : "Hillary, c'est pas drôle." Enfin bon c'est vraiment une boutade, et après j'ai écrit une chanson là-dessus. Mais c'est vrai que ça m'inspire, enfin c'est assez marrant, j'aime bien ça.
F : Je me demandais si vous l'aviez rencontrée en vrai, Hillary Clinton ?
AT : Non, c'est-à-dire j'ai essayé de la contacter, de lui envoyer ma chanson, je l'ai envoyée sur divers sites, mais bon j'ai l'impression que c'est beaucoup trop compliqué, à vrai dire je ne sais pas du tout comment la contacter. J'aurais bien aimé qu'elle l'écoute. D'ailleurs je vais la jouer ce soir... mais dans un autre style.
Des titres comme Mes amis et moi, Le philosophe ou Toute sortie est définitive expriment un certain recul avec les choses, une façon de relativiser et une approche tranquille de la réalité, à contre courant du speed de la société. Est-ce un simple exercice de style amusant, ou est-ce votre façon d'être ?
AT : Ben en fait à partir du moment où les choses me stressent, m'agacent, j'ai toujours tendance à me mettre en recul, je n'aime pas ça en fait. Bon, ceci dit Mes amis et moi ça reflète pour moi une époque et ce n'est pas tant humoristique que ça. Le philosophe, non c'est plus pour rigoler. Toute sortie est définitive, le texte n'est pas de moi, c'est de Yves Calvez, et je trouvais qu'il était vraiment bien. Le titre aussi de l'album, signifiant... le dossier est clos !
F : Non, heureusement, il est pas clos. [rire]
AT : non non on aurait pu le croire !
Très peu de singles ont été extraits de vos albums, on en parlait tout à l'heure. Et en outre, vos rares singles ne proposent pas de titres inédits, live ou des flopées de remixes. Ce qui n'est pas forcément un tort pour le dernier point, mais ce peu d'investissement du format single est-il de votre fait ou du fait des contingences commerciales de vos maisons de disques successives ?
AT : C'est plus les maisons de disques. Moi ce qui m'intéresse tout bêtement c'est de faire de la musique, voilà. Je fais un album, après si on veut sortir ça en single plutôt que ça, si on veut remixer, ce n'est pas un problème, j'ai fait ce que je devais faire. Mais je pense que l'époque a changé aussi, je pense qu'on est plus dans une époque d'albums, bien que, maintenant avec le MP3 tout est en train de se reformater, de se refaire...
En revanche, les inédits, si on en trouve si peu, c'est parce que je n'en ai pas, ou très très peu, disons. J'en ai un ou deux enregistrés, quand même. Quant aux live, ça ne peut pas être puisque je n'en fais presque pas.
Tout à l'heure, vous disiez qu'il y avait eu un petit froid avec Daho. Pourtant vous avez fait il n'y a pas très longtemps une reprise de La ballade d'Edie S, que je trouve d'ailleurs magnifique, l'esprit du titre gardé mais avec plein de super développements. Pourquoi le choix de ce titre sur la compil Tombés pour Daho, et au-delà, n'avez-vous pas d'autres projets de reprises d'anciens titres d'Etienne ou vous ?
AT : Pour moi c'est toujours périlleux et difficile de revenir sur le passé, d'en refaire une lecture. Parce que en fait, quand je fais quelque chose, généralement je l'efface après. Enfin je veux dire, j'ai déjà suffisamment entendu et re-entendu mes chansons. En plus de ça, Edie S c'est toute une époque. En fait à l'origine, j'avais plus ou moins proposé de reprendre Signé Kiko, parce que je trouvais que je pouvais peut-être donner une autre teinte... enfin un peu le même style que ce que j'ai fait sur Edie S, mais différemment. En fait j'ai laissé le choix et j'ai dit : "Signé Kiko ou La ballade d'Edie S". Et c'est la seconde qui a été retenue. Mais j'ai eu plus de mal que je ne le pensais, en fait. J'ai trouvé ça difficile de la refaire, oui.
F : Ben en fait elle est très bien au départ, mais à l'arrivée la nouvelle version, je trouve, elle est très bien aussi.
AT : J'avais peur, car je me suis rendu compte qu'Etienne écrivait des textes qui lui ressemblaient, et ça n'a pas été évident, du tout, pour moi. Je m'y suis repris quand même à pas mal de fois, avec beaucoup de doutes.
F : Bon, ça s'entend pas, je vous rassure !
AT : Non mais ça fait plaisir. C'est un ami qui a mixé ça, un super copain, Rico Conning, qui vit aux Etats-Unis, et avec qui on avait fait Pop Satori. D'ailleurs c'est lui aussi qui avait mixé L'espace d'un instant, sur Toute sortie est définitive.
F : Sur la compil, pour moi il n'y a pas photo, on trouve de belles reprises, mais celle-là se démarque vraiment je trouve, et je ne le dis pas pace que vous êtes en face !
AT : Ca me fait vraiment plaisir.
Rico a fait des choix. Parce qu'en fait je lui avais envoyé beaucoup beaucoup plus d'arrangements que ça. Il m'a renvoyé sa version, où beaucoup avaient été enlevés, puis j'ai corrigé des choses, etc. En fait je l'ai vraiment fait en collaboration avec lui. Il m'avait même renvoyé une version qui était, à la fin, assez marrante. Parce que j'avais enregistré une première partie chant, sur laquelle on entendait des bruits de page tournées, et dans la version de Rico qui reprenait ça on entendait "shtung". Et là j'ai dit "non Rico, quand même pas !". Donc je ne suis pas le seul à avoir travaillé sur cette reprise, lui aussi y est pour beaucoup.
D'ailleurs j'ai un projet avec lui, justement. Je lui envoie des instrumentaux. Bon, mais là il faut que je le recontacte un peu, car il est quand même très loin, Los Angeles ce n'est pas la porte à côté.
J'avais effectivement remarqué Rico Conning dans les crédits, mais également Daniel Miller dans les remerciements de Mes amis et moi et je serais curieux aussi de savoir à quel titre il apparaissait.
AT : Ben en fait Mes amis et moi, on l'a mixé dans les studios Mute, à Londres, son label. Et on avait eu un accueil formidable, dans ces studios, on était restés peut-être... ho c'est un mix qui a duré très très longtemps, peut-être quinze jours, trois semaines. Et donc voilà je voulais le remercier parce qu'on avait été superbement accueillis. C'est un superbe endroit dans Londres, avec des gens très agréables, disponibles, très compétents. Et à des tarifs vraiment... ça c'est autre chose ! Non mais c'est important aussi.
Bon, promis, après j'arrête de parler de Daho, mais il a fait plusieurs versions successives, que ce soit en concert ou des remix, de titres dont vous aviez composé la musique. Et, si vous avez suivi un peu ça, j'aimerais savoir ce que vous en avez pensé de ces ré-adaptations.
AT : Je n'ai pas vu tellement ces derniers temps Etienne sur scène, la dernière fois c'était à l'Olympia, il y a 2 ans, justement pour sa dernière tournée. Et j'ai trouvé qu'il y avait certains morceaux, justement, d'Eden, bien revus. J'étais très content d'écouter la façon dont il avait fait L'enfer enfin, mais surtout Le jardin des plaisirs. Il avait retrouvé le vrai "ride" qu'on avait mis sur l'album. Je lui ai dit "c'est vraiment bien, Etienne".
Epaule Tattoo, bon, c'est bien de la revisiter, parce qu'en fait ce n'est pas évident de rejouer cette chanson tout le temps de la même façon, il faut un peu de nouveauté... mais bon Etienne sait très bien revisiter le passé, moi je ne le revisite pas. Ce qui est fait est fait.
F : Revisiter ça peut être bien effectivement mais moi je n'ai jamais été emballé par les nouvelles versions d'Epaule Tattoo.
AT : J'aimais bien la version de William Orbit.
Il nous reste un peu de temps ?
Bon alors, quelques questions un peu "marginales" [rire] : Quand j'ai vu le titre de votre nouvel album Démodé, je me suis demandé si ça avait le moindre rapport avec le titre qu'avait fait Alain Chamfort il y a très longtemps, très amusant aussi d'ailleurs ?
AT : Non, je connais Alain Chamfort comme ça un peu, je le vois de temps en temps, et je ne connaissais pas son titre en fait.
Non dans mon cas c'est parce que j'avais cette chanson, vous partez dans votre texte, et puis c'est évident que ça devient Démodé. Et en fait, à un moment donné, quand l'album a été fini, il fallait un titre, et c'était le seul titre de chanson qui me paraissait pouvoir être un titre d'album : Démodé, c'est ferme, définitif.
F : Ca annonce un peu la couleur, ça attire l'attention.
AT : C'est ça en fait, et en même temps c'est un peu la vérité. Enfin, je veux dire, quand je vois au travers de mes enfants, la façon dont les jeunes parlent, et dont moi je m'exprime, ils me trouvent complètement has been... ce qui veut dire "démodé". Le mot anglais est encore plus fort et net : "a été", le mot français est beaucoup plus poétique, c'est vrai il est beau, et il est imprenable en plus (on peut intervertir la première syllabe ou la dernière).
Je me suis toujours demandé qui était ce mystérieux critique assassin que vous évoquiez dans Le Monkix ?
AT : Ha ! Ben je ne sais pas.
Non, c'est parce qu'en fait, après Adélaïde, j'ai fait cet album Let's go à Goa qui, je dois dire, a été très très mal accueilli. Bon c'est vrai que sincèrement je crois que niveau voix j'étais pas tellement au point, je me cherchais et sans savoir où j'étais. Donc ça ne pouvait pas donner grand-chose de formidable, j'avais l'impression de chanter avec une pomme de terre dans la bouche ! Et donc je me suis fait un peu allumer. C'est d'aucune personne en particulier que je parle dans la chanson, il y a eu plusieurs critiques. [rire]
Enfin voilà c'est un peu comme dans la chanson d'Aznavour J'me voyais déjà ! A l'époque, les critiques m'avaient vraiment touché. Bon maintenant c'est différent puisqu'avec l'âge je m'en fous, ça m'est égal, je fais ce que je dois faire et puis on aime bien, je suis super content, on aime pas tant pis. De toute façon on ne peut pas plaire à tout le monde. Donc voilà j'avais tellement été chagriné par ça que j'ai écrit cette chanson.
F : Mais c'est vraiment la question de la voix qui a posé problème ?
AT : Non mais le problème de cet album aussi, c'est qu'à cette époque-là j'étais vraiment marqué Etienne Daho. Et donc en fait, quoi que je fasse, tout le monde, tous les critiques, les peu qui me critiquaient en tout cas, à chaque fois c'était le même truc : on me comparait à Daho. Et c'était en pas bien, quoi. Donc moi à cette époque ça me faisait vraiment du mal, je l'ai assez mal vécu. Après, bon, j'ai réussi à prendre de la hauteur.
Allez, voici ma dernière question : l'Olympia le jour de la Sainte-Odalix, c'est pour quand ? Je sais que vous vous y êtes déjà produit, mais c'était dans le cadre du Satori Tour d'Etienne (j'ai même un bootleg de ça daté du 28/10/86).
AT : Ca c'est vraiment une volonté, une grande volonté, il faut absolument que ça démarre un petit peu. Mais c'est vraiment ça, l'Olympia c'est super, c'est ça que je veux faire. Et j'espère que ça va arriver. Mais ça va arriver, je vais le faire... quand j'aurai soixante-qu... si je suis là encore [rires].
F : C'est juste quatre albums de plus ! [rire]
AT : Non mais ce serait génial, je pourrais faire un vrai spectacle, là, un truc bien super chaud. Ha oui, vraiment, ce jour-là, le jour où je serai à l'Olympia, je serai dans un état pas possible, c'est sûr, mais en même temps je serai heureux. Parce que pour moi c'est vraiment important. Et puis pour être honnête, c'est pas tout, mais enfin bon : "Qu'est-ce que tu fais, toi ?" "Ben j'fais l'Olympia !", c'est un truc de frimeur ! [rires] Et puis j'aime bien cet endroit.
Bon et bien merci pour cette longue interview un peu décousue !
AT : Avec grand plaisir !
Merci à Arnold aussi pour les photos, et félicitations à la photographe, Natalia Mlodzikowska.
Voir ma chronique du concert au Sentier des Halles, le soir-même : https://www.concertandco.com/critique/arnold-turboust/critique-concert-1-37387.htm
Un escalier descend vers la salle voûtée du bar, où il me présente à quelques-uns de ses amis, en fait ses musiciens (dont Xavier Géronimi -comme ça fait drôle aussi de mettre un visage sur quelqu'un dont on voit le nom depuis des années sur des pochettes de disque !) ainsi qu'un personnage au faciès souriant qui ne m'est pas inconnu... quelques secondes de réflexion, puis ça y est : Marc Toesca ! L'interview a lieu dans la petite et unique loge du fond, nous entendrons les préparations du spectacle précédent le concert mais serons assez tranquilles.
La pochette de Démodé est assez excellente : "Arnold Certification" n'est pas de la publicité mensongère tellement on y retrouve votre style avec plaisir. Par contre, quel est le sens caché de "100% Wool" ?
AT : Ce n'est pas moi qui ai fait la pochette. En fait j'ai fait appel à un artiste qui fait beaucoup d'expos, Philippe Touriol, qui fait plein de choses, de graphismes, de dessins, de peintures, enfin voilà. Et donc je lui ai dit que mon postulat de base c'était de ne pas mettre ma photo sur la pochette et que l'album allait s'appeler Démodé. C'est tout.
Et lui il a trouvé ça, c'est en fait un petit peu comme une marque, si vous voulez. Je ne vais pas en dire plus parce qu'il y a quand même quelque chose de caché sur cette pochette, effectivement.
Sur la jaquette on a également une espèce de logo, alors je me demandais si c'était une référence papale, ou autre ? [rires]
Oui on m'a dit ça, on m'a dit "orthodoxe" aussi, mais non non, pas du tout.
Ca fait partie justement du secret de cette pochette, et il faut le trouver.
Voilà, c'est comme ça.
F : Bon ben ce sera le grand jeu alors !
AT : C'est un jeu. Non mais c'est vrai, je ne peux pas le dire, ce serait un peu gênant de le dire.
Vous avez été l'un des pionniers dans le rock français de l'utilisation des synthétiseurs, dès 1980 avec Marquis de Sade [moue un peu dubitative d'Arnold, de modestie !?], mais ils étaient moins mis en avant dans vos deux albums précédents. Ils font leur grand retour sur Démodé, est-ce une démarche volontaire ou un peu le hasard ?
AT : Non, j'en avais envie Sur cet album je voulais mêler sons de piano (et des pianos il y en a pas mal), avec justement un peu d'électronique. Et comme j'ai su rapidement que j'allais faire cet album chez moi, j'ai fait un peu le tour des instruments que j'avais en ma possession. Et en fait j'ai quand même pas mal de synthés, je me suis dit : "Tiens, ça fait longtemps que je ne me suis pas servi de celui-là, de celui-ci...", voilà. Et puis c'était aussi une volonté en fait. C'est vrai que je les avais un peu oubliés ces derniers temps. Bien que dans l'album précédent il y avait une chanson qui s'appelait L'espace d'un instant, avec pas mal de synthés. Mais celui-ci est de façon plus affirmée un album synthétique.
Vous avez écrit en conclusion de la jaquette de Démodé : Sur cet album je ne suis pas nombreux puisque je suis seul avec moi-même et c'est déjà un de trop. Et ce soir, au concert, vous serez aussi tout seul avec vous-même ?
AT : Non, je serai accompagné. A la guitare par Xavier ‘Tox' Géronimi, un complice de longue date, puisqu'en fait on a fait plein de choses pour Etienne Daho ensemble. D'ailleurs il a fait pas mal de son dernier album L'invitation. C'est lui qui a presque tout composé.
Et Roberto Briot, qui est un copain aussi, bassiste, qui a fait plein plein d'autres choses aussi. Ce sont deux copains en fait, voilà. Donc je ne suis pas seul, fort heureusement.
Une seule date de concert pour la sortie de l'album : il me semble que vous aviez déjà fait comme ça pour Toute sortie est définitive, non ? Comment cela se fait-il qu'il y ait si peu de scène à chaque fois ?
AT : Oui, pour l'album précédent, j'avais fait juste un petit truc, c'était à l'Archipel. Pendant longtemps en fait, la scène ça me paralysait un peu. Je ne suis pas très à l'aise, je suis plus quelqu'un qui faisait des chansons, qui les arrangeait en studio, c'était un peu mon bonheur et ma passion. Bon, et maintenant, je me dis : "ça serait bien d'en faire un petit peu".
Puis je pense que c'est bien aussi pour promouvoir, et c'est surtout bien pour rencontrer le public. Voilà, c'est pour exposer ce qu'on a fait, quoi. Alors là c'est ce qu'on fait ce soir, mais je pense qu'il y aura d'autres dates aussi, c'est en train de se voir.
F : C'est uniquement en région parisienne ?
AT : Non non, je dois aller jouer à Caen, ça c'est sûr. Et puis aussi peut-être dans l'Ouest. Il est possible aussi que je rejoue à Paris, dans d'autres endroits, je ne sais pas encore où exactement, mais il y a plusieurs lieux possibles. Voilà, mais c'est en train de se décider, et le problème que j'ai c'est que je n'ai pas de tourneur non plus, donc c'est : date, date date. Ca va peut-être venir, d'ailleurs, je cherche un peu. Je fais une démarche pour trouver un tourneur. La maison de disques, Marc Toesca, s'en occupent aussi mais, voilà l'album vient juste de sortir, on commence juste à avoir quelques réactions. Il faut un peu de temps.
F : Marc Toesca, c'est la maison de disques en fait, c'est ça ? Parce que je me demandais à quel titre il apparaissait en 1ère place sur les remerciements de Démodé ?
AT : Oui c'est ça, en fait c'est son label, il s'appelle Monte-Carlo records, voilà.
J'ai vu que vous aviez changé trois fois de label, un par album. Est-ce l'espacement de vos albums qui explique cela ou d'autres éléments ?
AT : Non je vais où on veut de moi, c'est clair. Par les temps qui courent je crois que c'est déjà formidable de pouvoir faire des albums, de pouvoir faire de la musique, parce que c'est tellement pas évident... En fait les albums vendent beaucoup moins qu'à une époque, c'est dur à promouvoir. Donc, de fait les labels sont de plus en plus frileux. C'est la raison pour laquelle c'est difficile.
F : Bon ben alors tant mieux si ça fonctionne avec Monte-Carlo Records !
AT : Ben je ne sais pas, on va voir, peut-être vais-je me faire virer avec pertes et fracas. [rires]
A la fin du titre La machine à sous, vous saluez avec humour une série de banques : comment a été établie la liste de ces banques ? Par ailleurs non répercutée dans les paroles sur la jaquette !
AT : En fait ça s'est passé comme ça : c'est-à-dire que j'avais cette chanson et donc on était en plein mix, et puis à la fin je me disais : "il manque quelque chose". Mais je ne savais pas trop quoi dire et puis surtout je n'avais pas vraiment de mélodie (bien que ce ne soit pas à proprement parler une mélodie, c'est plus un truc récité). Et c'est venu comme ça, d'un coup j'ai eu le flash, je me suis dit : "Mais oui tiens, on va faire une mélodie comme ça... puis en fait ça parle des banques... donc je vais citer des noms de banques à la suite". Donc voilà, c'est marrant parce qu'en fait le mix commençait le matin de cette chanson, et je me suis dit : "Il faut absolument que je sois là vers 16-17h avec le reste du texte" alors j'ai fait ça assez rapidement. Tchak tchak, j'ai chanté, j'ai harmonisé, et voilà...
Mais en même temps il y en a certaines qui me tiennent à cur, hein !
F : [rire] Vraiment ?
AT : Haaa...
Enfin non. En fait je trouve ça plutôt drôle. Bon, je ne les ai pas mises dans le livret, parce que j'estime que c'est déjà suffisant comme ça, quoi. Si on veut comprendre...
D'ailleurs j'ai bien du mal à m'en souvenir, là, quand je chante. Parce que j'ai écrit tellement vite ! Les autres paroles ça va, mais là je me dis : "Pourquoi t'as dit ça, pourquoi t'as pas cité cette banque aussi ?". Parce qu'il y en a tellement, on pourrait faire des chansons rien qu'avec ça !
Enfin c'est quand même drôle de mettre les banques en chanson, ce n'est pas leur vocation !
F : Non non, ça doit être une première dans l'histoire de la musique. [rires]
Toujours sur ce titre, dans les crédits, le "sound design" est signé Benjamin Minimum. Il avait co-écrit avec vous plusieurs titres de vos débuts. Vous étiez resté en contact depuis ?
AT : Et bien pas beaucoup justement, et je me suis dit : "C'est dommage, Benjamin, outre le fait qu'il écrive bien, il a plein d'idées. Il faut que je l'appelle." Alors au début je voulais qu'il me fasse la pochette, mais en fait il ne pouvait pas. Alors comme il trafique beaucoup avec les sons, tout ça, je lui ai dit : "Tiens, sur La machine à sous, tu pourrais me faire quelque chose ?" Immédiatement ça l'a inspiré, il a fait des lasers, des bruits de casino, que sais-je... Et pour moi c'était important. On perd facilement le contact les personnes qu'on aimait bien. Donc je me suis dit : "C'est vraiment trop bête, je le vois jamais, Benjamin." C'est pour ça que je l'ai appelé.
F : Il a continué dans la musique, après Gino & Ginette ?
AT : Ben il a fait quelques trucs mais en fait, il est passé de l'autre côté, puisqu'il s'occupe d'un magazine qui s'appelle Mondomix, un magazine de world music.
Une question de Valentin, mon fils, sur le titre Histoire de déplafonner, que nous écoutions hier : est-ce un poisson qui parle ? Ou est-ce que c'est vous ? Sans doute un truc à décrypter encore !
[Il réfléchit.]
AT : Un poisson qui parle...
Ha, parce qu'il fait des bulles ?
Ouais, j'ai failli l'appeler "La bulle", j'y ai pensé. Je voulais l'appeler aussi "La déplafonnisation" et bon, allez, j'ai rationalisé l'histoire, je l'ai appelé Histoire de déplafonner.
Mais oui, les bulles dans mon aquarium, c'est vraiment ça, c'est-à-dire qu'en fait dans un endroit, mon petit coin, je suis là, en train de faire de la musique, je me pose des questions. Et des fois le désespoir me prend, et des fois je suis super content, je reviens heureux. Et quelquefois, ça conditionne ma journée voire plus que ça. Faire de la musique pour moi c'est vraiment une passion, j'aime beaucoup ça. Et je suis très malheureux quand je sens que je n'ai pas le truc ou que j'ai loupé une idée, j'en dors plus. Enfin, ce n'est pas que je n'en dorme plus, mais je le vis mal quoi.
F : un poisson déprimé dans son bocal...
AT : un poisson déprimé dans son aquarium, qui fait des bulles.
Mais ça pouvait être aussi des bulles de chewing-gum, hein ! J'avais pensé à ça aussi.
Mais mon aquarium, si vous voulez, c'est mon laboratoire, c'est mon studio d'enregistrement, c'est ça.
Ha c'est marrant, les enfants ont toujours des interprétations bien à eux...
Mon bel oiseau ne devait-il pas apparaître initialement sur l'album de Barbara Carlotti ? Et finalement il se retrouve sur votre album, que s'est-il passé ?
AT : Pas de Barbara Carlotti, mais de Jean-Emmanuel Deluxe.
Généralement dans mes albums, il y a toujours au moins un duo. Enfin, pas toujours, mais j'en mets à peu près toujours, parce que j'aime bien, ça.
Et donc en duo, je n'avais, parmi les chansons qui me semblaient correctes, que celle-là. Donc j'ai décidé de la mettre, même si en fait ce n'est pas tant un duo que ça : moi je ne chante quasiment pas sur cette chanson, c'est elle qui chante.
Enfin voilà je trouve qu'elle avait vraiment la voix parfaite, elle chante très bien, elle a une très très jolie voix.
F : Et comment elle s'est faite, cette collaboration ?
AT : Et bien en fait je devais écrire un titre pour une compilation qu'un ami, Jean-Emmanuel De Luxe, m'avait demandé. Et puis je lui avais proposé cette chanson, mais en lui disant : "Le seul problème c'est qu'en fait c'est pas une chanson de garçon, c'est plus une fille qui doit chanter, le garçon il intervient juste à la fin, et je ne sais pas avec qui faire ça". Il m'a alors proposé cette personne, Barbara Carlotti. Je la connaissais, je l'avais entendue dans un album qui s'appelle Imbécile, fait avec Katerine, JP Nataf, Helena Noguerra... et elle chantait une chanson où j'adorais sa voix vraiment superbe.
Mais j'ai trouvé tellement bien notre duo que j'ai dit "allez je la garde pour l'album ! "
Oui alors c'est vrai que vous avez souvent fait des duos avec des femmes : Zabou Breitmann [Adélaïde], Tess [Duo], Sofia Hunt [French Letters], Lina [D'Août à Août], B.Carlotti, la seule exception étant à ma connaissance La Chanson du coq et de l'âne avec Etienne Daho. C'est elles qui sont demandeuses ou vous ?
AT : Non c'est plutôt moi. En fait ça a toujours été un truc, un idéal, presque de sublime... enfin quand j'ai fait Adélaïde je ne voyais pas autre chose que de faire une chanson comme ça. Peut-être aussi, je ne sais pas, par timidité, je me dis que le duo c'est rassurant... enfin voilà, puis j'aime bien ça.
Alors avec Tess, c'est vrai, c'est ma chère et tendre depuis toujours, donc c'est différent. Lina, c'est une amie, j'ai fait pas mal de chansons pour elle. Et là, Barbara Carlotti, que je connais moins, mais je continue cette logique.
Puisqu'on parle de Tess, vous avez co-écrit il y a longtemps quelques titres pour elle. J'ai deux maxis d'elle, que j'avais trouvé dans des brocantes -je ne sais pas s'il existe autre chose- ...
AT : Non non il y en a deux, c'est ça.
... alors a-t-elle, ou avez-vous ensemble, de nouveaux projets musicaux pour elle (en dehors de faire les churs sur vos albums) ?
AT : Elle a complètement arrêté. Non en fait elle aimait bien ça, chanter, mais bon, bof. Si vraiment ça avait fonctionné énormément, peut-être qu'elle aurait changé d'avis. D'autant plus que je trouve qu'elle avait vraiment une super voix.
Et vous avez de la chance de les avoir trouvés, ses maxis, notamment Nirvana, parce que c'est rare ! C'est pas évident, il y a plein de gens qui me l'ont demandé. Même moi je ne l'ai pas, j'ai juste un maxi, c'est tout.
F : C'est peut-être le single qui est introuvable ?
AT : Ben les deux, ce n'est pas évident, je sais. Des fois on en voit, mais naturellement c'est à des prix pas possibles, donc...
Et on parlait de Lina aussi. Alors moi je me posais une question (qui n'a plus rien à voir avec Démodé, désolé) : Comment se fait-il qu'on retrouve votre thème pour le titre T'es kitsch, j'te quitte ! de Lina sur La foire de l'empoigne ?
AT : En fait ça m'est arrivé plusieurs fois cette espèce de faiblesse, de "donner" un titre à quelqu'un. C'est-à-dire que bon, Lina avait besoin de titres, donc je lui ai donné celui-ci. Ca sonnait bien, mais d'un autre côté je l'avais commencé pour moi, j'avais aussi commencé un texte, donc j'ai eu des regrets. Et donc voilà c'est pour ça effectivement : c'est la même chanson, enfin c'est arrangé différemment, c'est tout. Mais c'est la même, avec un texte différent.
F : C'est très curieux d'ailleurs, quand on découvre la chose. La première fois que j'ai entendu la version de Lina je me suis dit "qu'est-ce que c'est que ça ?", je ne m'y attendais pas !
AT : Oui c'est marrant, c'est vrai. Mais c'est souvent parce qu'en fait j'écris un texte, j'ai un début de texte qui n'est pas fini, puis je doute tellement que je ne vais pas plus loin. Puis quand on me sollicite je dis "j'ai cette chanson, tiens, ha oui elle est bien". Donc je la fais (pour Lina ou pour quelqu'un d'autre)... et puis effectivement à la fin je me dis "Ho mince, moi mon texte était bien aussi...".
Alors, pour revenir aux instruments, on en parlait au tout début : sur les 1ers enregistrements que je connais de vous en 1979 sur l'album Dantzig Twist, c'est au piano que vous officiez, et jusqu'à Démodé c'est toujours un plaisir d'écouter vos parties de piano, qui font partie du charme de vos disques. Comment y êtes-vous venu et quel rapport entretenez-vous avec cet instrument ?
AT : J'ai eu plusieurs époques de piano. La première époque, c'est petit, quand mes parents ont voulu que j'apprenne cet instrument. Et j'aimais bien, mais en même temps je n'aimais pas, ça m'énervait parce que c'était encore un truc scolaire, et c'était un peu difficile. J'ai dû commencer quand j'avais sept ans et j'ai suivi jusqu'à douze-treize ans des cours. Après, parallèlement à ça, j'ai dit "j'en ai marre", et malgré tout sans arrêter je suis passé à autre chose, c'était l'orgue. Donc j'ai appris un peu plus le mode chanson, tout ça. Enfin voilà j'avais un super prof, un mec vraiment formidable, un belge qui m'a appris plein de choses : Daniel Van Der Bosc. Ca fait bien longtemps que je ne l'ai pas vu, d'ailleurs.
Puis mon premier enregistrement s'est passé de la façon suivante, on m'a dit : "T'es pianiste ?" "Ouais, vaguement". "Tu vas faire nous faire un piano pour Marquis de Sade". C'est tout.
Sur Démodé je suis revenu au piano, puisqu'en fait j'en ai racheté un spécialement pour cet album, afin d'avoir un autre style de son de piano.
Et en dehors de ce que vous appelez sur les crédits de vos disques les "bouis-bouis synthétiques" ou "autres bricolages", on vous voit crédité aussi à la basse souvent et aux drums. Vous pratiquez d'autres instruments ?
AT : Non mais en fait je suis surtout pour les claviers, pianos, tout ça.
J'ai appris aussi les cuivres, j'en ai fait pas mal mais bon, ça fait longtemps. Là j'ai voulu essayer à nouveau de toucher vaguement un cuivre, et c'est trop difficile.
En revanche, je me suis acheté une basse et j'en ai fait un peu. Je suis assez mal à l'aise, ça fait mal aux doigts en fait. Mais je m'y suis mis et puis c'était surtout pour chercher un type de son de basse bien particulier. Certaines parties de basse de l'album ont été faites par un ami qui s'appelle David Forgionne Et une autre personne, qui d'ailleurs joue avec moi ce soir, Roberto Briot.
Je me suis aussi mis un peu aux perc[ussions] et c'est vrai que j'aime bien parce que faire ces petits shakers, ces petites programmations, c'est vraiment bien. Je ne suis pas du tout quelqu'un de rythmique, je suis plutôt quelqu'un qui joue avec les couleurs, c'est-à-dire plus le monde harmonique, enfin c'est ce que je préfère. Mais en revanche il y a des choses que j'aime beaucoup dans les rythmiques.
Pour revenir aux coopérations avec d'autres artistes, les quatre musiques que vous avez composé pour l'album Eden d'Etienne contribuent très fortement à dessiner l'ambiance et l'identité sonore de cet album (j'aime notamment beaucoup Les pluies chaudes de l'été et L'Enfer enfin). A quand une nouvelle coopération de cette qualité avec lui ?
AT : Non, il n'y a rien de prévu. Peut-être que ça arrivera, mais je n'en sais rien du tout, pour le moment je n'en parle pas.
Avec Etienne Daho, on a été un petit peu, disons -on peut le dire - en froid. Il y a forcément des histoires au bout d'un certain temps, enfin bon voilà. En fait on l'avait déjà été à une époque, puis depuis 2000 il y a eu clairement une période de glaciation, appelons-là comme ça.
Mais là depuis quelques temps c'est un peu différent. D'ailleurs, le hasard a fait que il y a à peine quinze jours, j'ai fait une émission sur France Culture, et il était là aussi, on s'est retrouvés sur le plateau. On s'était pas mal revus aussi quand il a fait la réédition de Pop Satori. Il m'avait dit : "tiens, je vais remettre ça et ça...". Il a repris des vieilles démos, c'était assez marrant quand je les re-entendais, et je ne savais même pas qu'il les avait gardées. Etienne, il garde vraiment tout !
F : Oui elle est bien la réédition, c'est dommage que d'autres n'aient pas été faites pour d'autres albums.
AT : Ben il en était question, mais je ne sais pas du tout où ça en est.
F : Notamment le deuxième album ce serait pas mal !
AT : Ouais le deuxième album... il était question d'Eden aussi, parce qu'il y avait d'autres trucs aussi de l'époque Eden qui ne sont pas sortis. C'est ce qu'il m'a dit.
Dans les coopérations avec Etienne, mais pas pour lui, il y avait celle -je suis désolé c'est un peu ancien- avec Brigitte Fontaine sur son album Genre humain, et vous aviez notamment co-écrit le titre Conne, que j'adore. Quel a été votre rôle dans l'écriture de ce titre, et comment s'était passé le travail, plus globalement, sur l'album ?
AT : Alors en fait, ce titre Conne était initialement joué dans ses concerts : Areski [Belkacem] faisait un solo de guitare, et elle déclamait un texte dessus, ce texte. Et Etienne m'en avait parlé, il trouvait ça génial. On a dit à Brigitte : "Ce serait bien que tu nous le mettes en forme, et nous on va te faire une bande-son". Donc on a juste récupéré le texte, on ne s'est absolument pas servi du solo d'Areski, et on lui a écrit la musique. Et c'est vrai que cette chanson, je trouve qu'elle a vraiment quelque chose.
C'est un bon souvenir pour moi, puis je suis fier d'avoir fait ça avec Daho, parce que c'est réellement notre travail, même s'il y a d'autres personnes en plus de nous indiquées en crédits. Je l'ai toujours eu un peu en travers de la gorge : les personnes qui ont écrites cette musique, c'est réellement Daho - Turboust [il y a 4 noms dans les crédits]. De A à Z, on lui a tout fait, y compris la production, là-dessus. Mais enfin bon, il y a des histoires anciennes comme ça, je n'ai pas envie de rentrer dans la polémique.
Bon sinon, est-ce que vous avez d'autres projets de coopération en cours ou en vue avec d'autres artistes ?
AT : Pour le moment non, mais ça va peut-être arriver. En fait pour le moment, j'en suis plus avec cet album, je me suis un peu concentré sur la scène, à répéter. Il y a vaguement des projets, mais c'est tellement pas sûr que je n'en parle pas.
Alors sinon, vous avez enregistré peu de musique purement instrumentale (essentiellement à ma connaissance la BOF de Bécassine), pourtant je trouve que vous y excellez aussi (j'aime beaucoup les instrumentaux Devinettes et La montagne blanche). N'avez-vous pas de nouveaux projets instrumentaux ?
AT : Ben justement, ce sera peut-être dans ce domaine où j'ai peut-être un projet qui est en train de naître. Mais bon, ce n'est pas sûr parce que vous savez, le cinéma, tout ça, c'est un peu compliqué : vous êtes pris, on veut de vous, puis on ne veut pas de vous, voilà c'est un peu ça. Et c'est vrai que c'est formidable de pouvoir faire de la musique de film, c'est vraiment un truc... je l'ai fait très peu.... On s'est servi de chansons que j'ai faites, mais bon sans plus. Par exemple Conne ça apparaît dans je ne sais pas combien de films, Epaule Tattoo aussi... Si, j'avais fait une musique liturgique pour un film de Guédiguian à un moment donné, mais c'était juste un petit truc de 2-3 minutes, hein, vraiment rien, quoi. Et, puis Bécassine effectivement.
J'ai fait aussi un truc assez marrant, qui était l'inverse : en fait j'ai fait des textes pour des dessins animés. J'ai fait deux choses : un truc qui devait passer sur la Cinq , Bravo Gudule ! et Merci Gudule !, des traductions de l'anglais. C'est sorti il y a 2-3 ans. Et j'ai écrit aussi des textes pour Les quatre saisons des Drôles de petites bêtes. J'ai même chanté une chanson, avec, un petit bout. La musique était de Cyril de Turckheim. Il y avait une thématique par épisode, chaque saison, donc quatre gros épisodes de 20 et quelques minutes. Avec à chaque fois au minimum une ou deux chansons.
F : Alors je chercherai ça ! [rire]
AT : Ben je ne les ai même pas, moi, en fait. Mais il y avait des trucs qui étaient pas mal, vraiment. Version française, et version anglaise aussi.
J'ai lu que malgré le succès d'Adélaïde, vous aviez rapidement pris beaucoup de recul avec ce titre, au point de ne pas l'inclure sur votre 1er album Let's go à Goa. Est-ce la même raison qui a conduit à écarter votre 2e single Les envahisseurs de l'album ?
AT : Adélaïde, bon alors : c'est vrai que j'aurais pu la mettre sur l'album, d'ailleurs la maison de disques, naturellement, le voulait absolument. Mais en même temps, moi je me disais que le format single allait bien avec.
Puis sincèrement, j'en avais un peu marre moi aussi de cette chanson. De toute façon elle ne m'appartenait plus.
Quant aux envahisseurs, j'avais tellement de doutes là-dessus, je me disais : "à quoi bon ?". En fait c'était la chanson qui a suivi Adélaïde, et naturellement la maison de disques m'a demandé un Adélaïde bis. Et moi je me souviens, j'étais dans une tournée (avec Daho), je n'avais pas arrêté, je n'avais plus une chanson d'écrite, et d'un seul coup, je me souviens : ils m'appellent et ils me disent : "Il faut un second titre, et dans quinze jours." Donc c'est pour ça, à un moment donné, ça m'a stressé et tout, je ne voulais pas mais il a fallu le faire quand même. Et je n'étais pas content de moi.
Mais c'est vrai, maintenant je rêve peut-être de compiler tout ce que j'ai fait, j'adorerais. Enfin, "compiler" ce n'est pas un beau mot, mais peut-être plutôt de ressortir tout, par exemple l'album Let's go à Goa avec Adélaïde, tout ça, bref recoller les chansons aux différentes époques.
F : Justement, je me demandais s'il n'y aurait pas un DVD d'Arnold Turboust, un jour ?
AT : Ben peut-être, oui, j'aimerais bien. Ca va peut-être venir.
A l'écoute de titres comme La Pompadour, Adélaïde ou Hillary, je me demandais si vous aviez un goût particulier pour l'Histoire et les grandes figures féminines un peu "fortes", de caractère ?
AT : Oui, j'aime bien l'Histoire, j'ai toujours bien aimé, je suis assez féru d'Histoire et je connais, enfin "je connais", un petit peu. Je lis pas mal de choses là-dessus.
Et La Pompadour c'était aussi parce que je trouvais que le mot était tellement drôle (rire). Enfin, voilà, et "La Pompadour" c'était définitif comme terme et en même temps c'était aussi en quelque sorte en référence à Adélaïde, pour faire une boucle.
Quant à Hillary, c'est bête en fait, je le dis d'ailleurs dans la chanson : "Hillary, c'est pas drôle." Enfin bon c'est vraiment une boutade, et après j'ai écrit une chanson là-dessus. Mais c'est vrai que ça m'inspire, enfin c'est assez marrant, j'aime bien ça.
F : Je me demandais si vous l'aviez rencontrée en vrai, Hillary Clinton ?
AT : Non, c'est-à-dire j'ai essayé de la contacter, de lui envoyer ma chanson, je l'ai envoyée sur divers sites, mais bon j'ai l'impression que c'est beaucoup trop compliqué, à vrai dire je ne sais pas du tout comment la contacter. J'aurais bien aimé qu'elle l'écoute. D'ailleurs je vais la jouer ce soir... mais dans un autre style.
Des titres comme Mes amis et moi, Le philosophe ou Toute sortie est définitive expriment un certain recul avec les choses, une façon de relativiser et une approche tranquille de la réalité, à contre courant du speed de la société. Est-ce un simple exercice de style amusant, ou est-ce votre façon d'être ?
AT : Ben en fait à partir du moment où les choses me stressent, m'agacent, j'ai toujours tendance à me mettre en recul, je n'aime pas ça en fait. Bon, ceci dit Mes amis et moi ça reflète pour moi une époque et ce n'est pas tant humoristique que ça. Le philosophe, non c'est plus pour rigoler. Toute sortie est définitive, le texte n'est pas de moi, c'est de Yves Calvez, et je trouvais qu'il était vraiment bien. Le titre aussi de l'album, signifiant... le dossier est clos !
F : Non, heureusement, il est pas clos. [rire]
AT : non non on aurait pu le croire !
Très peu de singles ont été extraits de vos albums, on en parlait tout à l'heure. Et en outre, vos rares singles ne proposent pas de titres inédits, live ou des flopées de remixes. Ce qui n'est pas forcément un tort pour le dernier point, mais ce peu d'investissement du format single est-il de votre fait ou du fait des contingences commerciales de vos maisons de disques successives ?
AT : C'est plus les maisons de disques. Moi ce qui m'intéresse tout bêtement c'est de faire de la musique, voilà. Je fais un album, après si on veut sortir ça en single plutôt que ça, si on veut remixer, ce n'est pas un problème, j'ai fait ce que je devais faire. Mais je pense que l'époque a changé aussi, je pense qu'on est plus dans une époque d'albums, bien que, maintenant avec le MP3 tout est en train de se reformater, de se refaire...
En revanche, les inédits, si on en trouve si peu, c'est parce que je n'en ai pas, ou très très peu, disons. J'en ai un ou deux enregistrés, quand même. Quant aux live, ça ne peut pas être puisque je n'en fais presque pas.
Tout à l'heure, vous disiez qu'il y avait eu un petit froid avec Daho. Pourtant vous avez fait il n'y a pas très longtemps une reprise de La ballade d'Edie S, que je trouve d'ailleurs magnifique, l'esprit du titre gardé mais avec plein de super développements. Pourquoi le choix de ce titre sur la compil Tombés pour Daho, et au-delà, n'avez-vous pas d'autres projets de reprises d'anciens titres d'Etienne ou vous ?
AT : Pour moi c'est toujours périlleux et difficile de revenir sur le passé, d'en refaire une lecture. Parce que en fait, quand je fais quelque chose, généralement je l'efface après. Enfin je veux dire, j'ai déjà suffisamment entendu et re-entendu mes chansons. En plus de ça, Edie S c'est toute une époque. En fait à l'origine, j'avais plus ou moins proposé de reprendre Signé Kiko, parce que je trouvais que je pouvais peut-être donner une autre teinte... enfin un peu le même style que ce que j'ai fait sur Edie S, mais différemment. En fait j'ai laissé le choix et j'ai dit : "Signé Kiko ou La ballade d'Edie S". Et c'est la seconde qui a été retenue. Mais j'ai eu plus de mal que je ne le pensais, en fait. J'ai trouvé ça difficile de la refaire, oui.
F : Ben en fait elle est très bien au départ, mais à l'arrivée la nouvelle version, je trouve, elle est très bien aussi.
AT : J'avais peur, car je me suis rendu compte qu'Etienne écrivait des textes qui lui ressemblaient, et ça n'a pas été évident, du tout, pour moi. Je m'y suis repris quand même à pas mal de fois, avec beaucoup de doutes.
F : Bon, ça s'entend pas, je vous rassure !
AT : Non mais ça fait plaisir. C'est un ami qui a mixé ça, un super copain, Rico Conning, qui vit aux Etats-Unis, et avec qui on avait fait Pop Satori. D'ailleurs c'est lui aussi qui avait mixé L'espace d'un instant, sur Toute sortie est définitive.
F : Sur la compil, pour moi il n'y a pas photo, on trouve de belles reprises, mais celle-là se démarque vraiment je trouve, et je ne le dis pas pace que vous êtes en face !
AT : Ca me fait vraiment plaisir.
Rico a fait des choix. Parce qu'en fait je lui avais envoyé beaucoup beaucoup plus d'arrangements que ça. Il m'a renvoyé sa version, où beaucoup avaient été enlevés, puis j'ai corrigé des choses, etc. En fait je l'ai vraiment fait en collaboration avec lui. Il m'avait même renvoyé une version qui était, à la fin, assez marrante. Parce que j'avais enregistré une première partie chant, sur laquelle on entendait des bruits de page tournées, et dans la version de Rico qui reprenait ça on entendait "shtung". Et là j'ai dit "non Rico, quand même pas !". Donc je ne suis pas le seul à avoir travaillé sur cette reprise, lui aussi y est pour beaucoup.
D'ailleurs j'ai un projet avec lui, justement. Je lui envoie des instrumentaux. Bon, mais là il faut que je le recontacte un peu, car il est quand même très loin, Los Angeles ce n'est pas la porte à côté.
J'avais effectivement remarqué Rico Conning dans les crédits, mais également Daniel Miller dans les remerciements de Mes amis et moi et je serais curieux aussi de savoir à quel titre il apparaissait.
AT : Ben en fait Mes amis et moi, on l'a mixé dans les studios Mute, à Londres, son label. Et on avait eu un accueil formidable, dans ces studios, on était restés peut-être... ho c'est un mix qui a duré très très longtemps, peut-être quinze jours, trois semaines. Et donc voilà je voulais le remercier parce qu'on avait été superbement accueillis. C'est un superbe endroit dans Londres, avec des gens très agréables, disponibles, très compétents. Et à des tarifs vraiment... ça c'est autre chose ! Non mais c'est important aussi.
Bon, promis, après j'arrête de parler de Daho, mais il a fait plusieurs versions successives, que ce soit en concert ou des remix, de titres dont vous aviez composé la musique. Et, si vous avez suivi un peu ça, j'aimerais savoir ce que vous en avez pensé de ces ré-adaptations.
AT : Je n'ai pas vu tellement ces derniers temps Etienne sur scène, la dernière fois c'était à l'Olympia, il y a 2 ans, justement pour sa dernière tournée. Et j'ai trouvé qu'il y avait certains morceaux, justement, d'Eden, bien revus. J'étais très content d'écouter la façon dont il avait fait L'enfer enfin, mais surtout Le jardin des plaisirs. Il avait retrouvé le vrai "ride" qu'on avait mis sur l'album. Je lui ai dit "c'est vraiment bien, Etienne".
Epaule Tattoo, bon, c'est bien de la revisiter, parce qu'en fait ce n'est pas évident de rejouer cette chanson tout le temps de la même façon, il faut un peu de nouveauté... mais bon Etienne sait très bien revisiter le passé, moi je ne le revisite pas. Ce qui est fait est fait.
F : Revisiter ça peut être bien effectivement mais moi je n'ai jamais été emballé par les nouvelles versions d'Epaule Tattoo.
AT : J'aimais bien la version de William Orbit.
Il nous reste un peu de temps ?
Bon alors, quelques questions un peu "marginales" [rire] : Quand j'ai vu le titre de votre nouvel album Démodé, je me suis demandé si ça avait le moindre rapport avec le titre qu'avait fait Alain Chamfort il y a très longtemps, très amusant aussi d'ailleurs ?
AT : Non, je connais Alain Chamfort comme ça un peu, je le vois de temps en temps, et je ne connaissais pas son titre en fait.
Non dans mon cas c'est parce que j'avais cette chanson, vous partez dans votre texte, et puis c'est évident que ça devient Démodé. Et en fait, à un moment donné, quand l'album a été fini, il fallait un titre, et c'était le seul titre de chanson qui me paraissait pouvoir être un titre d'album : Démodé, c'est ferme, définitif.
F : Ca annonce un peu la couleur, ça attire l'attention.
AT : C'est ça en fait, et en même temps c'est un peu la vérité. Enfin, je veux dire, quand je vois au travers de mes enfants, la façon dont les jeunes parlent, et dont moi je m'exprime, ils me trouvent complètement has been... ce qui veut dire "démodé". Le mot anglais est encore plus fort et net : "a été", le mot français est beaucoup plus poétique, c'est vrai il est beau, et il est imprenable en plus (on peut intervertir la première syllabe ou la dernière).
Je me suis toujours demandé qui était ce mystérieux critique assassin que vous évoquiez dans Le Monkix ?
AT : Ha ! Ben je ne sais pas.
Non, c'est parce qu'en fait, après Adélaïde, j'ai fait cet album Let's go à Goa qui, je dois dire, a été très très mal accueilli. Bon c'est vrai que sincèrement je crois que niveau voix j'étais pas tellement au point, je me cherchais et sans savoir où j'étais. Donc ça ne pouvait pas donner grand-chose de formidable, j'avais l'impression de chanter avec une pomme de terre dans la bouche ! Et donc je me suis fait un peu allumer. C'est d'aucune personne en particulier que je parle dans la chanson, il y a eu plusieurs critiques. [rire]
Enfin voilà c'est un peu comme dans la chanson d'Aznavour J'me voyais déjà ! A l'époque, les critiques m'avaient vraiment touché. Bon maintenant c'est différent puisqu'avec l'âge je m'en fous, ça m'est égal, je fais ce que je dois faire et puis on aime bien, je suis super content, on aime pas tant pis. De toute façon on ne peut pas plaire à tout le monde. Donc voilà j'avais tellement été chagriné par ça que j'ai écrit cette chanson.
F : Mais c'est vraiment la question de la voix qui a posé problème ?
AT : Non mais le problème de cet album aussi, c'est qu'à cette époque-là j'étais vraiment marqué Etienne Daho. Et donc en fait, quoi que je fasse, tout le monde, tous les critiques, les peu qui me critiquaient en tout cas, à chaque fois c'était le même truc : on me comparait à Daho. Et c'était en pas bien, quoi. Donc moi à cette époque ça me faisait vraiment du mal, je l'ai assez mal vécu. Après, bon, j'ai réussi à prendre de la hauteur.
Allez, voici ma dernière question : l'Olympia le jour de la Sainte-Odalix, c'est pour quand ? Je sais que vous vous y êtes déjà produit, mais c'était dans le cadre du Satori Tour d'Etienne (j'ai même un bootleg de ça daté du 28/10/86).
AT : Ca c'est vraiment une volonté, une grande volonté, il faut absolument que ça démarre un petit peu. Mais c'est vraiment ça, l'Olympia c'est super, c'est ça que je veux faire. Et j'espère que ça va arriver. Mais ça va arriver, je vais le faire... quand j'aurai soixante-qu... si je suis là encore [rires].
F : C'est juste quatre albums de plus ! [rire]
AT : Non mais ce serait génial, je pourrais faire un vrai spectacle, là, un truc bien super chaud. Ha oui, vraiment, ce jour-là, le jour où je serai à l'Olympia, je serai dans un état pas possible, c'est sûr, mais en même temps je serai heureux. Parce que pour moi c'est vraiment important. Et puis pour être honnête, c'est pas tout, mais enfin bon : "Qu'est-ce que tu fais, toi ?" "Ben j'fais l'Olympia !", c'est un truc de frimeur ! [rires] Et puis j'aime bien cet endroit.
Bon et bien merci pour cette longue interview un peu décousue !
AT : Avec grand plaisir !
Merci à Arnold aussi pour les photos, et félicitations à la photographe, Natalia Mlodzikowska.
Voir ma chronique du concert au Sentier des Halles, le soir-même : https://www.concertandco.com/critique/arnold-turboust/critique-concert-1-37387.htm
Interview réalisée le 28 février 2011 par Floribur
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Arnold Turboust par Floribur
Paris, Sentier des Halles, le 09/12/2010
Épatant, épatant, épatant... et très convaincant !
Arnold Turboust chantant derrière son piano droit et ponctuellement un vieil orgue électronique, simplement accompagné par deux... La suite