Newletter Live In Marseille 19 Février 2018
TGV
Et cet Intercité qui roule au pas, laissant le regard s'accrocher aux éboulements figés des Cévennes. Ou cet autre Corail au corps poussiéreux, aux couloirs vides et infinis seulement décorés de rideaux épais bien calés entre la tête indolente et la vitre délavée qui laisse s'échapper, en un tour de manivelle, air frais ou rayon de soleil.
Et puis ce TER qui s'enfonce dans la nuit, paisible dans sa bande-son monotone, étourdi par des myriades d'arrêts minute. Peu de voyageurs, mais pour ceux-là, une soirée de sauvée. Dernière petite gare gravillons ; un bout de quai à peine éclairé. Une femme avec une petite valise monte et rejoint son mari dans la cabine du conducteur. Il reste une dizaine de kilomètres avant le terminus ; la nuit tombe comme un voile épais, comme pour feutrer encore l'ambiance. On a l'impression que le train nous ramène tout en douceur à deux pas d'un intérieur accueillant.
Et encore avant, les wagons fumeurs, brouillard continu ; les trains de nuit, voyage image par image au creux de la France endormie. Le temps de se préparer à ce qui nous attend de l'autre côté.
Mais ça c'était avant. Avant la fonctionnalisation, la rentabilisation - et tous ces mots-compte-triple en -tion -d'un système ferroviaire dévoyé en plein tunnel et d'un service public laissé sur le bas côté comme une gare abandonnée. Avant les Ouigo, ces trains criards au confort modeste, aux services minimaux ou payants où l'humain est ce bétail que l'on entasse en file indienne et que l'on planque dans des gares de faubourg. Avant les cars SNCF qui remplacent à l'envi les TER au point mort sur des rails où l'herbe pousse parmi la rouille, ces cars sans chauffage et sans toilettes qui doublent le temps de trajet, Chérie FM sur les hauts parleurs crépitants ; flashs de pub assommant tous nos quarts d'heure.
Aujourd'hui, ces écarts de parcours se vivent comme une aventure, un ennui mesuré, folklorique ; sauf que l'écart se creuse, le voyage se composte en deux vitesses : groupe de tête et peloton. Les TGV aux prix flambés accueilleront ceux qui font tourner le monde et ne s'arrêteront plus dans ces villes moyennes qui n'ont pas ou peu d'intérêts commerciaux, touristiques ou financiers. C'est l'ère du low cost, du plastique et des miettes, du diesel qui flambe ; même le prix du covoiturage dépend du type de voiture : plus la berline est confortable, plus le coût du voyage partagé sera élevé. Ce qui se dessine à l'horizon est une société compartimentée, des êtres humains qui ne sont autorisés à côtoyer que leurs pairs, sur un temps bien délimité et quand eux-mêmes s'autorisent à lever les yeux de la lumière crépusculaire de leurs écrans.
On se doit de conserver la contemplation, l'oisiveté et la curiosité ; de ces jolies déviations, naissent les germes de la pensée, de la poésie et de l'imagination ; du réconfort aussi. Stopper cette mise en concurrence sur une espuma de croque monsieur ou cette évaluation systématique en nombre d'étoiles comme si la vie tout entière était un QCM géant ou une arène romaine, pouce en l'air / pouce en bas, en fonction de son humeur et de son petit égo amidonné. Laissons-la plutôt être une compréhension de texte ou un spectacle sans cesse renouvelé, avant les futurs trains SFR et les arrêts buffets sponsorisés.
Alors, plus que jamais, il faut contribuer à faire vivre cette vie nocturne, ces bars noctambules, ces concerts mélodiques ou fébriles dans ces caves, ces clubs, ces arrières salles, ces squats. Pour l'amour de la musique, et de la vraie vie amplifiée.
Odliz
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Cette semaine à Marseille
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Un Océan d'Amour , c'est ce petit vieux, pêcheur malingre, en couple avec cette bretonne matrone que l'on n'a pas envie de contredire mais qui serait prête à vous offrir toutes les galettes du monde et son tablier par dessus le marché.
Une aube de tempête, la barque de notre héros se fait percuter par un chalutier monumental. Pris dans ses filets comme un goujon désemparé, forcé de se nourrir de sardines, le pêcheur se retrouve seul au beau milieu d'un océan hostile, assailli par des mouettes affamées et un orage qui gronde en sourdine derrière chaque page.
Commence alors une épopée fantastique où cette imposante bretonne parcourt le monde à la recherche de son frêle mari, après une enquête au cordeau doublée d'une divination à la galette et d'une prière à la vierge dont le saint nom trône humblement sur la barque du pêcheur à la dérive.
Leur périple en décalé les amène jusqu'à Cuba dans un crépitement de flash et d'aventures improbables, avant de les rendre à leur quotidien tendre et serein, à une louche de beurre salé de l'agitation et de la fureur.
224 pages muettes d'un récit débordant de tendresse amusée et d'angoisse existentielle entrecoupée de folie douce, étreignant la question du bonheur véritable.
La bande-dessinée, découpée en petites vignettes, nous transpose dans la peau de l'un puis de l'autre, nous aspergeant de leurs émotions exacerbées. Le trait est plus tendre que caricatural ; la narration, vivante et vibrante, nous embarque cheveux au vent dans la destinée fabuleuse de ce petit couple pourtant sans histoire et que l'amour rend invincible, pire ! imperturbable.
Et ce sont ces 224 pages muettes que l'on retrouvera projetées au Mucem dimanche 25 février, habillées de musique sous la forme d'un quatuor de jazz nommé Zenzika . Par petites touches pianotées, tout en souffle et percussion, et même en porte-voix mais sans corne de brume, le récit prendra vie page après page, morceau après morceau.
Un Océan d'Amour , bande-dessinée muette de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione , sorti chez Delcourt et Prix BD de la FNAC en 2015.