Newletter Live In Marseille 2 Octobre 2017
Live
The revolution will be live !
You will not be able to stay home, brother
You will not be able to plug in, turn on and drop out
The revolution WILL put you in the driver's seat
The revolution will not be televised
The revolution will be live !
(Extraits de : The Revolution will not be televised, Gil Scott-Heron, 1970)
Tout était dit, et dès 1970, l'intuition fulgurante d'un père du rap, qu'un jour les écrans nous boufferaient sans doute l'énergie vitale pour changer. Plus près de nous, Keny Arkana l'a redit dans sa poignante Réveillez-Vous : Eteins ta télé ! Bon enfin télé, ordinateur, tablette, smartphone, smartmontre, smartlunettes, peu importe, ça reste et ça restera d'actualité ! Ca peut pas se passer derrière un écran, une révolution. D'ailleurs on ne change pas grand chose au monde, derrière un écran, quand on y pense. Sur un plan un peu moins dramatique, je me fais souvent la même réflexion à propos des réseaux dits sociaux et de ce qu'on défend ici : la musique live.
Like, j'aime, j'aime déjà, je n'aime plus. Vous avez 2 nouvelles notifications. Rappel, vous avez un événement "La Rue du Rock 2017 par Phocea Rocks" prévu aujourd'hui. 3,2 K intéressées, 894 y ont participé !... Un truc rassurant au final : les deux chiffres sont rigoureusement faux ! On a pas eu (tout à fait) 3 200 personnes, mais on en a eu largement plus que 894, ce dimanche 24 septembre 2017 ! Fort heureusement, on ne peut toujours pas compter sur ce site pour prévoir une affluence, ni pour la mesurer après... l'IRL, le "In Real Life", continue et continuera (ça dépend que de nous, au final) à échapper aux tout-puissants GAFAs... Aucun algorithme ne prévoit ni ne comprend pourquoi, un jour non travaillé, des dizaines de personnes sortent de chez elles avec le même t-shirt, pour organiser un festival de rock gratuit ou pire, pour y jouer aouf - un non-sens commercial avec éventuellement même des coups à prendre donc ! Au lieu de rester peinard.e.s devant un écran, dans un canapé, dans la bulle où ils voudraient bien nous coincer.
Pourtant chacun sait que le piège est doux et confortable : il est devenu si facile de vivre sa musique devant son écran, oui, même la musique locale, depuis que chaque groupuscule du fond de chaque cave, dépose humblement ou fièrement ses créations gratuitement pour écoute. Pas un groupe sans un Bandcamp ou, au minimum, des vidéos postées sur votre réseau social habituel ! On peut donc écouter un "petit" groupe, l'aimer, et devenir copain virtuel avec les musiciens sans jamais les avoir rencontrés. Acheter leur musique même, et l'emporter avec soi dans sa propre bulle intra-auriculaire et protectrice. Mais sans jamais avoir été vraiment connecté avec eux de la seule connexion qui vaille : celle des sens. La fureur, le bruit et l'odeur du groupe restent trop souvent inexplorés...
Et pourtant, derrière cette chanson qu'on a lancée d'un clic passager, qu'on écoute d'une oreille distraite en surfant déjà ailleurs, il y a des kilowatt-heures cramés, des heures passées, de la sueur, des rires, des larmes, de l'amitié, de l'amour peut-être, des engueulades surement, voire des jalousies... de la vie en tout cas ! Des rêves de gloire si ça se trouve, émergents ou déjà évanouis depuis longtemps. L'énergie folle de l'adulescent, du vingtenaire qui croit encore qu'il va bouffer le monde avec sa batterie, ou la fatigue du vétéran, pestant régulièrement qu'il est trop vieux pour ce genre de conneries mais que quand même, cette date en plein air, là, à Marseille, avec sa vieille ruine de basse usée jusqu'à la corde, devant tous ses potes et plein d'inconnus aussi, ça lui fait bien envie...
Et c'est seulement là, quand cette même chanson retentira, là devant tout le monde dans la rue (et peu importe qu'elle soit plus ou moins bien réussie en direct), et qu'une gamine de 3 ans casquée de rose, juchée sur les épaules de son père, en secouera vigoureusement la tête et les bras de plaisir... que toute cette énergie dissipée prendra enfin un sens ! Vous avez été 2 447 très exactement (ben si, on vous a comptés, vous croyez pas qu'on inventerait un chiffre, quand même ?) à sortir de chez vous, à venir vous frotter aux 22 groupes de la Rue du Rock #5, les écouter, les sentir, les toucher, leur parler. Merci à eux, merci à vous, on le refera, encore et encore ! En attendant, l'aventure IRL, in real life, continue évidemment dans les salles de concert, toute les semaines. The Revolution will be live !
Philippe
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Cette semaine à Marseille
https://www.concertandco.com/ville/marseille-aix/billet-concert-3.htm
Vous y trouverez la programmation des Session H, de la Machine à Coudre, de l'Hotel C2, du JAM, de l'Asile 404 (qui a besoin de notre aide - cf en fin de lettre), du Cri du Port, du Fuxia, de la Casa Consolat, du Molotov, du Rouge Belle de Mai, du Chateau Borely, du bateau Inga de Riau, de l'Affranchi, de l'Embobineuse, de La Dame Noire, du Moulin, du Poste à Galène, du Lollipop Music Store, du Rooftop, du théâtre du Tétard, au Dock des Suds qui acceuilleront notamment le 5ème
Je profite aussi de cet espace pour vous rappeler que week end sera notamment marqué par les POC (
si vous avez prévu d'y aller (programme complet par ici) n'hésitez pas à vous arrêter par la Meson pour y voir l'expo
https://www.concertandco.com/ville/marseille-aix/billet-concert-3.htm
ps : si votre date manque n'hésitez pas à la rajouter via ce lien ici : https://www.concertandco.com/annonce.php
Cadeaux
* la chronique de
extrait :
" Et de 5 ! C'est déjà l'édition #5 de la Rue du Rock par Phocea Rocks ! Comme le temps passe... Quand on repense aux deux premières, il y a de quoi mesurer le chemin parcouru, aussi bien en fréquentation (de moins de 500 à ... peut-être 2 500 ce dimanche ? en tout cas ça m'a paru bondé !), qu'en programmation (de 5 lieux à 7, voire 8 en comptant les Danaïdes en bonus) qu'en ... sécurité ! Se rappeler que la rue Consolat n'était même pas toujours fermée à la circulation pendant l'événement, selon les années et autorisations erratiques reçues... Alors que pour la deuxième année consécutive en 2017, on a en effet du non seulement tout bloquer, mais faire dégager toutes les voitures de la rue ! Heureusement, beaucoup moins sont parties en fourrière même si 3 ou 4 vraiment mal placées ont fini par être rattrapées par la patrouille municipale en début d'aprème. Bref, plus de préparation mais plus de confort après. [...] "
* la chronique de
extrait :
"[...] Philippe ayant dans sa chronique déjà parlé de Roxys Angry, Duck Tape, Poutre, Conger! Conger!, et même Temenik Elektrik il ne me reste plus qu'à conclure pour dire à quelle point j'ai passé une belle après midi. Bien qu'il y ait encore plus de monde que l'année dernière tout m'a paru plus fluide et j'ai même eu un peu le temps de voir moi aussi certains groupes en famille ... Il y avait comme on s'y attendait la plupart des gens que l'on croise habituellement dans les salles de concert "rock" : Machine à Coudre, Molotov, Salle Gueule etc ... mais aussi pas mal de gens avec leurs enfants (qui doivent avoir parfois un peu de mal à sortir en semaine pour voir des concerts qui commencent à 22h) et tout un tas de gens là par hasard (rappelons que cette année la Rue du Rock était collée aux Dimanches de la Canebière) ... et tout le monde avait le sourire ! Merci au public d'être venu, à la météo, mais surtout aux bénévoles et aux groupes !"
* la chronique de
extrait :
"[...] Le soleil arrose bien la rue consolat qui devient une grande scène où les trottoirs servent de bancs aux spectateurs. Pendant ce temps, Yvi Slan commence son concert en toute simplicité en guitare voix. Ses chansons sont efficaces, on écoute comme si il nous racontait une histoire pour chaque morceau comme dans cette reprise irlandaise sur le mariage forcé des filles. Je termine cette après midi concert par The Dirteez classé en voodoo psycho rock, je remarque toute suite qu'il y a une guitariste, la seule musicienne que j'ai vu cette année même si je n'ai pas fait tous les concerts. Je termine ma rue du rock plus tôt que prévu mais j'ai encore bien apprécié ce concept unique auquel il faut aller chaque année pour y voir la qualité et la diversité de la scène rock marseillaise !! "
* la chronique du
extrait :
"[...] c'était touchant et ça m'a porté pendant toute le morceau. J'étais là à me demandé si cette fameuse princesse pouvait se douter que cette nuit s'était transformée en ce morceau superbement habité et joué par 5 talentueux musiciens bien loin de là où elle avait eu lieu ... Et si sur les premiers morceaux auxquelles j'ai assisté en rentrant j'avais trouvé Fred un peu plus posé que d'habitude, là j'ai retrouvé ce jeu très physique / organique qui me fait tant vibrer. [...] "
Le livre de la semaine
Ci dessous (avec sa permission) le #237 :
C'est bête, mais avant, on souriait sur les photos de carte d'identité. Du moins, on avait la liberté de sourire sur ces clichés. Maintenant, on a des faciès de repris de justesse. Le genre de petit détail insignifiant qui plombe l'ambiance. Tous les jours, on ouvrant son portefeuille, on aperçoit du coin de l'oeil notre gueule qui la tire : nous, l'air générique, suspect, et trepané. Autrement dit, il est officiellement interdit d'avoir l'air heureux sur les documents officiels. On peut donc logiquement conclure qu'il est officiellement defendu d'être heureux. Mettons nous à la place d'un agent de l'administration. Lui c'est des milliers de tronches renfrognées qui lui font la moue quotidiennement. Lentement, mais sûrement, le marasme s'insinue dans sa conscience. Les faces de constipés moroses le constipent à son tour, lui confirmant que la vie est moche, nulle, triste et périlleuse. La vie lui paraît plus vaine, l'humanité, moins rachetable. Les infos passent leur temps à lui rappeler qu'il est en danger de mort, que personne n'est content, mais qu'il peut néanmoins mettre des tongs-chaussettes, s'il veut etre dans le coup, et rire à nouveau. Avec un peu de chance, il pourra choper une bimbo comle dans les clips vidéos, mais on le pas prévenu que c'était hautement improbable. Alors forcément, il se prend râteau sur râteau, et fatalement, perd la gaffe de la joie qui le maintenait hors de l'eau. Sa figouane devient comme sa photo d'identité, il venge ses espoirs assassiné sur les autres, en rendant leur vie administrative un petit peu plus infernale, degré par degré. Il manque une pièce au dossier, le formulaire est incomplet, l'age est incorrect, l'exonération est terminée, l'échéance est depassée, l'individu est menacé de poursuite, il est poursuivi. Tout ça parceque des portraits renfrognés ont miné son existence. Le climat général devient comme la photo d'identité : gris, sans sourire, carré, fixé vers un lointain inexistant. Faut pas s'etonner que tout le monde ronchonne, et se plaigne du pays, l'ambiance officielle se brumise au caca, et les sourires ont été kidnappés pour servir d'accessoires aux acteurs des publicités. En un mot comme en deux cents : c'est la déprime organisée. Youpi. Tous en tongs-chaussettes !
Les disques d'aqui
"This is a white album", clin d'il manifeste aux quatre de Liverpool et à leur célèbre "double blanc" qui lança en son temps la mode du format vinyl à rallonge, sauf qu'ici au blanc immaculé de la pochette, succède un noir profond, comme chez Malevitch, furieux, radical et iconoclaste. Et pourtant, le titre ne ment pas : il ne s'agit pas d'un album sombre. "Conger ! Conger !" sait jouer avec les contraires et peint sa musique tout en contrastes. Ces deux disques noirs et leurs 18 titres sont un beau défi proposé à l'auditeur, invité à un peu d'endurance à l'heure du numérique, plutôt propice au clic et au zapping. Ce "white album", on ne doit pas le feuilleter, il faut s'y attarder.
Le disque ouvert, le groupe se présente simplement, de la manière la plus directe : 3 photographies du visage des musiciens saisi en gros plan ornent chaque volet des pochettes intérieures, en noir et blanc bien entendu. Elles nous offrent des mines presque patibulaires, ce qui ne correspond en rien à la nature plutôt joviale des intéressés, à ce qu'il se dit. (Sans doute ont-ils fait leur la célèbre sentence de Shakespeare, "On peut sourire et sourire encore et n'être qu'un scélérat." On ne les y prendra donc pas !) "Conger", ainsi que les nomment les fans, qui délaissent le redoublement pourtant prévu par les usages scientifiques, face au public, cela pourrait ressembler à une ligne d'avants All blacks, comme ces trois visages, sortes de clichés d'avant match. Une formation serrée, compacte, qui joue collectif et a appris, comme les rugbymen de l'autre hémisphère, à faire vivre la balle. Elle est amenée par Patrice, capitaine charismatique, "chanteur- "éructeur"-bateleur-batteur-percussionniste-funambule et poète farfelu". "Conger", c'est donc un trio, soit dans le Rock'n'roll, la formation idéale, non pour honorer la sainte trinité, mais en référence aux racines, celles qui nous ramènent à Presley, Moore et Black.
La porte d'entrée de ce disque s'emprunte avec "Shortterms", et de là tout l'art de "Conger" se laisse appréhender. Les choses sont introduites puissamment : des roulements de caisse claire sur lesquels se superposent un incroyable bourdon (la basse de Didier, grand échalas aux faux airs de doux rêveur, et au son d'une ampleur rarement entendue) et un motif de guitare aérien, puis s'installe un jeu de ping-pong entre la basse et la batterie, tandis que le chant et la guitare tissent la mélodie. Il s'agit d'une chanson mélancolique mais nullement triste, plutôt désenchantée, si toutefois le mot convient pour une chanson. Pas de véritable refrain mais des ponctuations de batterie faites du martèlement du tom basse. Après presque trois minutes et alors que l'auditeur commence un peu à prendre ses aises, le morceau, en douceur, change d'allure, un voix off saturée invite au décollage, elle grésille. Fendant l'air, le chant alors se déploie, se dédouble, s'étire, mais parait se perdre dans les limbes, les instruments maintenant le contact avec le sol. Une fois terminé, l'auditeur a imaginé une chanson de rock mais il a entendu déclamer de la poésie !
Plus loin, "Clouds", ralentissant toutefois le rythme, fait le parallèle. Ce titre démarre sur une rythmique qui emprunterait à une boite à rythmes, rejointe par la basse, matière épaisse comme du magma, puis vient l'écho de la guitare, son ombre tout en bruits timides ("Pierrot", véritable colosse et colossal guitariste, maniant tous les styles et quantités d'effets avec un doigté de prestidigitateur) alors que s'est déjà posée la voix, aboulique, étrange, mêlant l'anglais et le français. La mélodie est très belle (comme dirait le vieil Hegel, l'art n'est-il pas la "réalité" la plus haute engendrée par "l'esprit" ?). Dans la version ici présentée, cette chanson est bien plus aboutie que celle enregistrée initialement en 2009. Depuis ces nuages, "Conger" narre des histoires faites de mystères et nous transporte. Revenu sur terre, sans un choc, le groupe nous propose d'emprunter "A road", très dépouillée, appuyée sur des percussions en retenue. Guitares et basses jouent fond de cours. Le chant inquiétant installe une ambiance angoissante qui est exactement celle du roman de Cormac McCarthy.
Parce qu'il sait évoluer sous tous les climats et par tous les territoires, ("Awa" par exemple, sur la première face encore, ressemble à un chant d'Indiens des plaines tandis que "Words", très pixien, se présente sans fard comme une chanson de rock.) "Conger" est de ces groupes qui désappointent, jusqu'à susciter le malentendu. Une récente bonne fortune, toute justifiée, offerte par une couverture médiatique dans la presse spécialisée (Abus dangereux, Noise...), laisserait supposer de prime abord une accointance exclusive avec un rock "noïze", ce son tristement banal produit par tant de groupes blancs aux tatouages soignés, qui prolongent leur adolescence en se faisant un peu monter les nerfs comme pour lutter contre une existence morne, celle de citadins flasques issus de la middle-class, prisonniers volontaires d'un fade univers fabriqué par la sphère numérique esclave du Capital. Mais "Conger" n'a rien de commun avec cette scène médiocre. Alors qui citer au juste en référence, pour l'information du lecteur ? Fugazi, Thee Oh Sees, PJ Harvey, Gérard Manset, Can, Wire, The Music Machine, Brigitte Fontaine, Birthday Party, Violent femmes, Rujindiri le maître de l'inanga ...? On y renoncera.
Lorsque l'on déchire le voile des apparences, celui que pose une écoute rapide, superficielle, apparait une matière bien plus subtile et bien moins facile à référencer. "Conger" peut bousculer votre oreille mais sans cesse, cherche la mélodie, jamais mièvre, et la trouve, même si les voies pour y parvenir sont souvent très inattendues. Malgré des détours assez sinueux, à la fin du parcours, celle-ci s'est subrepticement imposée...sans que le tranchant n'ai pour autant disparu. "Conger", ce n'est pas de la pop, attention !
Depuis quelque temps maintenant, un groupe de rock, tout le monde devrait le savoir, ça ne sert plus seulement à faire danser les adolescents et à faire chier les bourgeois et les parents- parfois de mêmes gens- c'est aussi un objet poétique. Et de la poésie, il y en a dans le ventre du "Congre" ; pas de maladroits élans "lautréamonesques" aux relents adolescents et pourtant une musique comme de la "lave liquide, insensée, noire et dévorante" (comme dirait l'autre !). Une poésie "noire" et "blanche" à la fois.
Avec "Conger", les poissons de la Méditerranée sont dans les eaux de la Mersey : (re)découvrez "The white album" !
2017 (Conger! Conger! - Lollipop Records - Katatak)
Retrouvez les chroniques des précédents disques de Conger! Conger! : https://www.concertandco.com/artiste/conger-conger/billet-concert-43145.htm#critique-album
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https://www.helloasso.com/associations/quatre-sans-quatre/collectes/asile-quatre-sans-sous