Newletter Live In Marseille 26 Mars 2018
Spring
Le premier jour du printemps marseillais se réveille sous la neige. Ça floconne sévère ; les toits, les arbres, les voitures blanchissent d'étonnement. La vie s'arrête le temps d'un regard de gosse perplexe, d'ado blasé ou d'adulte émerveillé à la fenêtre. Une poignées d'heures plus tard, le mercure affiche 15° en plein soleil. Les manteaux de ski se déboutonnent, les bonnets glissent sur les nuques réchauffées. Y'a plus de saison, ma bonne dame ! Chacun de nous, rituellement, prend la voix du petit couple sur le banc qui regarde tranquillement le monde courir à sa propre perte. Depuis quelques années, la météo fait l'équilibriste, championne de GRS et lauréate du grand écart. Histoire de rester dans les sigles, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) prévoit même une augmentation de près de 5° de la température d'ici 2100. L'été indien risque de ne plus être aussi romantique et les hirondelles, s'il en reste, ne feront décidément plus le printemps. Cette année, il a déjà crié au loup une bonne dizaine de fois mais des coups de froid mourmanskiens ont rebattu la donne et rallumé le chauffage, pour ceux qui en ont et ne pédalent pas dans ces îlots de recharge de la gare Saint Charles. Les corps se détraquent, perturbés par ces pas de danse perpétuels. On tousse de la grippe au mois de juin et on trinque notre apéro à une terrasse en janvier, entre caves inondées et coupures de courant. Ailleurs c'est pire, les tempêtes tropicales dévastent des milliers de vie, et ce n'est pas en les appelant par leur petit prénom que l'enfer va être minimisé : Maria a emporté avec elle 500 personnes dans les Antilles ; quant à Philippe, il a détrempé les Etats Unis du sud au Nord avant d'aller se dégonfler en tempête automnale du côté du Canada.
Ça va bien avec l'air du temps, le qui-vive, le sauve qui peut, le marche ou crève ; il n'y a pas que l'air qui est gelé, les salaires aussi. Mais l'ère est propice aux contorsionnistes : tenir dans un mouchoir de poche, une boite à gants, et se contenter de, être soulagé d'être encore là, malgré tout, la maison démolie, hypothéquée ou revendue ; coulée de boue, crédit à la consommation pour joindre les deux bouts de ce monde qui tourne tellement vite qu'on en perd sa gravité ; comme un tourbillon, un maelstrom qui embarque ceux qui sont rasés de près et qui courent assez vite pour l'attraper, ce train en marche, privatisé, implacablement déshumanisé.
On n'a plus d'abeilles mais on a des idées. On n'a plus d'oiseaux -à part ces satanés pigeons qui semblent éternels ; alors qu'on préfèrerait dire bonjour bonjour aux hirondelles- mais on a des voitures autonomes qui renversent et tuent des piétonnes, comme à Phoenix en Arizona. Une voiture connectée pour mieux se déconnecter du monde tout autour et rester bloqué dans sa douillette prison numérique. Et dehors, la vie, les êtres vivants et le temps que l'on comprend de moins en moins à force de ne pas les côtoyer mais par défaut de les subir, se débattent en pleine tempête, climatique ou sociétale, loin des pétitions-canapé et des coups de gueule à 140 caractères.
Les climato sceptiques doivent vivre dans des caves climatisées ; nos caves à nous ne sont pas climatisées, elles sont musicales et sont toujours autant vivantes, vibrantes, internationales. Comme ce lundi 27 au Molotov qui accueille le hip hop sombre et furieux des sudafricains Dookoom, avant une bonne rafale de post punk canadien jeudi à la Machine à Coudre et de street-punk-noise espagnol vendredi à la Salle Gueule. International, on vous dit.
Ça ne remplacera pas les abeilles, ni les oiseaux ; ça ne rendra pas l'odeur tiède du muguet au printemps mais ça pourra aider à attiser une part de notre propre humanité.
Odliz
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Cette semaine à Marseille
La Coupure à la Machine à Coudre jeudi
https://www.concertandco.com/ville/marseille-aix/billet-concert-3.htm
Suuns à l'Espace Julien dimanche
Le disque de la semaine
2018 (De Bouche A Oreille / Distrib Mad / Pias)
Chroniques passées
* la chronique du concert de
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Pas encore eu le temps d'écrire dessus mais si vous voulez voir les photos (et videos) des concerts de
bonus : le coup de coeur de Odeliz de la semaine passée :
Musiciens et instruments font corps, se troquent et se sabordent mutuellement : le batteur xylophone, le mandoliste taquine le melodica, le contrebassiste fait grincer ses cordes et résonner son bois comme un voilier dans la tempête, le frontman, armé d'un banjo et de sa voix mâtinée d'accent belge, chante avec ce grain qui enraye les rouages, mi Tom Waits , mi Arno , puis son timbre
tutoie le cristal façon Klaus Nomi . Et le type a du charisme. Il ne danse pas, il ondule et se cabre avant de scénariser une foultitude de petites morts.
Devant eux, les naufragés se marrent, se raccrochant à leur horizon transitoire. Poésie bricolée et transe à contre-pied retournent l'auditoire.
Prochaine date, le 12 avril au Black Sheep de Montpellier. Sans (ré)fléchir, larguez-y les amarres
Clip de le semaine
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