Le premier parti de France !

C'est devenu le premier parti de France, et c'est le plus dangereux de tous ! Et lui, il n'a même pas besoin de le dire - depuis quelques années c'est rentré insidieusement dans nos esprits comme une donnée qu'on ne peut pas écarter, même si les médias arrivent à sous-évaluer son score à chaque fois, avant, et à s'en étonner à chaque fois, après. Pour faire le lien avec cette newsletter musicale ? Disons que c'est une petite musique qui s'amplifie doucement, jour après jour, au point d'être devenue le tube absolu dans la France d'aujourd'hui, au point d'y exploser tous les box-office, une mélodie que tout le monde adore détester mais à laquelle personne ne peut échapper…

Avouez que vous même avez sans doute déjà songé, au moins une fois, à le rallier pour une échéance électorale, ce parti, à moins que vous n'en soyez déjà adepte depuis longtemps ? Il est vrai que vous avez forcément le profil pour, puisqu'il est composé à part égales de toutes les couches de la société (avec énormément de jeunes, en plus), riches et pauvres, éduqués et rustres, ruraux et urbains, etc. Et qu'il augmente insidieusement et régulièrement son audience dans chaque bureau de vote, à chaque élection, nationale ou locale, au moins depuis le début du vingt-et-unième siècle…

C'est devenu le premier parti de France, et c'est le plus dangereux de tous ! Il est bien planqué derrière d'autres partis plus officiels, reconnus et établis au pouvoir ou aux alentours, qui eux font les marioles, saturent les médias et amusent la cantonade pour se rassurer. Lui attend son heure, certain qu'il est d'être le seul et unique gagnant à la fin même si, comme à chaque fois, les médias vont refuser de reconnaître sa victoire éclatante. Chaque nouveau scandale politique, ou financier, ou politico-financier, chaque tweet et contre-tweet idiot et anecdotique, chaque minute passée par un cerveau vacant devant une chaine d'info en continu, contribuent à le faire grossir encore davantage…

C'est devenu le premier parti de France, et c'est le plus dangereux de tous ! Aux dernières élections en date, les élections européennes de mai 2014 *, il a par exemple rallié quasiment les trois quarts, p… de m…, les trois quarts, des 18-35 ans ! C'est à peine croyable, c'est à en pleurer… 70 ans de paix sur le territoire national et plus étonnant encore, sur le territoire européen, ce n'était pourtant pas arrivé depuis… depuis la Préhistoire sans doute ? Mais les adeptes de ce parti, les enfants gâtés des 30 Glorieuses, tout comme leurs enfants spoliés des 30 Merdeuses - qui en ont tous profité, ne s'en rendent même plus compte, d'abord parce qu'ils méconnaissent notre Histoire et surtout parce que …

C'est devenu le premier parti de France et c'est le plus dangereux de tous ! Parce que c'est lui, et aucun autre, qui au final provoquera peut-être la chute du socle du pays que nous habitons aujourd'hui et où nous arrivons, bon an mal an, à vivre à peu près en paix et en sécurité, à peu près libres d'ouvrir notre gueule ou même de la fermer. Dans le "pire système politique à l'exception de tous les autres". Parce que toutes celles et ceux d'entre nous qui l'auront rallié, pour une élection ou pour une vie, seront collectivement comptables de cette chute.

Ce parti ? C'est celui des abstentionnistes, bien sûr ! … Hein, quoi, vous pensiez à quelqu'un d'autre ?

* Le 26 mai 2014, les médias arrivaient sans difficulté à dire dans la même phrase : "30 % des jeunes ont voté pour le FN" et "73 % des jeunes ne sont pas allés voter". Problème de Math niveau CM2 : combien de gens ça fait, en vrai ? Réponse : 30 % x 27 % = 8,1 % ! Le vrai problème est-il que 8,1 % des jeunes inscrits sur les listes votent pour un parti qu'on dit dangereux (ce n'est pas le débat ici), ou bien que 73 % d'entre eux n'aillent pas/plus voter ?

Obligé de m'appuyer sur le dossier de presse pour vous présenter ces Zarboth (dont il s'agit ici du 3ème album et) dont je ne connaissais (pourtant) rien il y a encore une semaine « Formation née en 2007 de la rencontre d'Etienne Gaillochet batteur de We Insist! et de Phil Reptil, guitariste de La Théorie du Reptile ». Pour l'occasion le duo s'est étoffé avec l'arrivée du « rappeur-trompettiste-poète-illustrateur irlandais » Macdara Smith. Derrière ce chat aux grand yeux et ce titre tellement juste, se cache donc une bande de trois joyeux lurons (impression confirmée par les photos de presse) qui ne semblent s'être fixés aucunes limites. Rock, hip hop, hardcore, jazz, spoken word … tous les coups sont permis. Et si sur ce Black water qui ouvre le disque on ne sait pas encore trop vers quoi le disque va partir, dès le deuxième morceau il n'y a pl us de doute le trio n'a pas décidé de prendre l'auditeur avec des pincettes. Brutal, plein de cassures, de changements de rythmes, de sons bizarres (comme ce klaxon sur Popeye par exemple), un chant double voire triple qui sur certains morceaux (comme ce Come give me the things (I need for my journey)) fait qu'on pense aussi bien à (un) Nada Surf (qui nous engueulerait) qu'aux Red Hot à l'écoute de ce disque. Mais si on devait les rapprocher d'autres groupes passés ou présents ce serait plutôt de Kunamaka ou de the Chap. Pas évident de trouver le bon moment pour écouter un tel disque à la maison (surtout avec un nouveau né à la maison) mais ça donne une très bonne idée de la folie que ça doit être en live et donc très envie d'aller les découvrir sur scène.

13 novembre 2015 (Zartboth - Wan+Wan – L'autre Distribution)

D'ailleurs ils n'ont pas tous vu, entendu, vécu la même chose. A l'opposé de, par exemple, cette femme qui a attendu plus d'une heure en tremblant, cachée sous le corps sans vie de quelqu'un d'autre et baignant dans son sang, il y a sans doute aussi quelques centaines de gens qui ont eu le temps, presque sans rien voir ni entendre, de se ruer simplement dehors par les issues de secours et au final, de s'en tirer sans une égratignure … C'est ce qu'en première analyse, on appelle "avoir de la chance"… Des petits veinards, donc ? Reconnaissons que les bougies, mots, dessins, fleurs et autres canettes ouvertes que nous avons déposées sur toutes les places de France étaient plutôt pour les "vraies victimes" bien sûr, et pas vraiment pour eux. C'est bien naturel : ce sont les rescapéEs !

Et pourtant, si on essaye de se mettre à leur place, quel tourbillon d'émotions infectes à digérer ! Liste peut-être non exhaustive ? Une terreur rétroactive, d'abord : "J'aurais pu mourir dans cette salle". Et le deuil, pour des centaines d'entre eux, parce qu'on va rarement seul à un concert et qu'ils connaissaient une ou plusieurs victimes. La peur de l'avenir, ensuite : "Plus jamais je n'entrerai dans une salle de concert sans y repenser". Peut-être même, et ce serait si tragique qu'on ose ne pas y croire : "Plus jamais je n'entrerai dans une salle de concert". Et la culpabilité enfin, c'est presque certain, on l'observe toujours dans ces cas-là et elle aussi doit vous tordre le bide : "Pourquoi moi, j'en ai réchappé et pas elle, et pas lui ?". Quoi qu'il en soit, après avoir du avaler ce cocktail dégueulasse, rien ne sera plus jamais tout à fait pareil pour elles et pour eux : ce sont les rescapéEs…

Qu'ils se soient vus mourir dix fois dans le noir, ou qu'ils aient juste pu détaler comme des lapins dans la lumière, ils ont tous ça en commun : on leur a salopé et fracassé ce qui est notre loisir innocent, simple et si commun, aux abonnéEs de cette lettre… L'excitation, ou juste le plaisir, d'aller écouter/voir/ressentir un concert… Et encore, on n'a parlé ici que des rescapéEs du Bataclan, bien sûr. Tout a été dit ailleurs sur ces attaques perpétrées par des êtres déjà inanimés, qui ont également voulu saloper et fracasser d'autres loisirs, tout aussi anodins et tout aussi vitaux.

N'importe laquelle ou lequel des amatrices et amateurs de concerts qui reçoit cette lettre peut donc se projeter mentalement dans leurs baskets, aux rescapéEs du Bataclan, à défaut de le ressentir dans sa chair. Et souvent même par procuration, par analogie morbide. D'ailleurs nous l'avons touTEs déjà fait, n'est-ce pas ? Parce qu'on est déjà allé au Bataclan, ou dans d'autres salles du même genre, à Paris, à Marseille ou ailleurs. Parce qu'on a déjà vu Eagles of Death Metal, ou qu'on avait un billet pour la même tournée. Parce qu'on a failli y aller mais que c'était sold out, ou bien qu'on a oublié d'acheter une place, ou juste parce qu'on réalise qu'on aurait très bien pu y être, nous ou quelqu'un qu'on connaît… De proche en proche, on se sent toutes et tous, au moins un tout petit peu, rescapéEs du Bataclan !